La lutte pour la santé et la sécurité au travail est sans doute l'une des plus nobles des diverses dimensions du mouvement ouvrier. C'est une lutte pour la dignité humaine, le refus des travailleuses et des travailleurs de porter en sacrifice leur santé et de raccourcir leur vie afin de pouvoir gagner leur subsistance et de soutenir leurs familles. C'est aussi l'une des dimensions les plus radicales du mouvement ouvrier parce qu'elle s'empiète sur un terrain que les patrons ont toujours considéré leur chasse gardée - l'organisation de la production.

La lutte pour la santé et la sécurité au travail est sans doute l'une des plus nobles des diverses dimensions du mouvement ouvrier. C'est une lutte pour la dignité humaine, le refus des travailleuses et des travailleurs de porter en sacrifice leur santé et de raccourcir leur vie afin de pouvoir gagner leur subsistance et de soutenir leurs familles. C'est aussi l'une des dimensions les plus radicales du mouvement ouvrier parce qu'elle s'empiète sur un terrain que les patrons ont toujours considéré leur chasse gardée - l'organisation de la production.

D'autant plus déroutant est l'accueil réservé par nos centrales à une délégation venue de l'Asie la semaine dernière, composée d'un syndicaliste, représentant de l'Internationale des travailleurs et des travailleurs du bâtiment et du bois (IBB), et de victimes de l'amiante. Le but immédiat de la délégation était de demander au gouvernement du Québec, et au peuple du Québec, de ne pas soutenir le financement de l'exploitation d'un nouveau gisement d'amiante à la mine Jeffrey, dont la production serait exportée en Asie. Ni la FTQ ni la CSN n'ont jugé bon de répondre à la demande d'une rencontre. Seule la CSD a rencontré la délégation, mais accompagnée d'un lobbyiste de l'Institut du chrysotile (amiante).

Cet institut est financé par les gouvernements du Québec et du Canada et par l'industrie de l'amiante (présentement en banqueroute) et a comme mission de promouvoir l'exportation de l'amiante dans les pays en voie de développement - les pays industrialisés ont interdit l'emploi de l'amiante ou refusent de l'utiliser - et de semer l'incertitude quant au consensus de la communauté scientifique selon lequel il n'y a aucune façon sécuritaire d'utiliser cette substance cancérogène et qu'en conséquence elle doit être interdite.

«Je suis là pour dire que les assurances que donne l'industrie de l'amiante sont complètement fausses, a déclaré Anup Srivastava, représentant de l'Internationale des travailleurs et des travailleurs du bâtiment et du bois. Elle prétend qu'il existe dans le monde en développement les mêmes mesures strictes de contrôle qu'au Québec. C'est absurde. Vous verrez à travers l'Asie des travailleurs qui coupent de la toiture en amiante-ciment avec des scies abrasives et sans protection contre les fibres mortelles ainsi libérées. C'est complètement illégal au Québec, mais c'est commun en Asie.»

Au Québec, l'amiante est la première cause de décès au travail. À la suite du déclin brutal de l'extraction de l'amiante depuis les années 70, la prévalence des maladies associées à ce minerai s'est déplacée de la catégorie des mineurs vers celles des travailleuses et travailleurs de la construction, de l'entretien et de la rénovation. Selon le porte-parole de la CSST, «les employés de la construction sont davantage à risque parce que trop souvent ils ne savent pas qu'ils travaillent avec l'amiante». Roger Valois, vice-président de la CSN, reproche au gouvernement de refuser de dire s'il y a de l'amiante dans les édifices et les infrastructures publiques. La CSN tente depuis un bon moment d'obtenir une certification pour des entrepreneurs qui se spécialiseraient dans l'enlèvement de l'amiante, mais le dossier n'avance guère.

La situation peut-elle être différente dans des pays où la plupart des ouvriers sont des journaliers pauvres qui n'ont pas été informés des dangers qu'ils courent et qui n'ont pas leur mot à dire sur leurs conditions de travail? Très peu parmi eux ont la possibilité de faire diagnostiquer une maladie comme étant d'origine professionnelle et encore moins de recevoir une indemnisation de l'industrie, pour eux ou pour leur famille. Les ouvriers et les ouvrières, leurs familles et leurs collectivités toutes entières continuent de vivre près de décharges de déchets d'amiante sans aucune protection contre cette pollution.

Quelle conception pervertie de la solidarité ouvrière pourrait-elle expliquer la complicité de nos centrales syndicales avec cette politique de nos gouvernements et de l'industrie de l'amiante? Il y a bien sûr la question des emplois au Québec dans l'industrie de l'amiante. Mais même si on met de côté l'aspect moral (l'Organisation internationale du travail estime qu'il y a 107 000 décès de l'amiante chaque année dans le monde), ce n'est pas comme si cette industrie a devant elle un long avenir. Tout comme le marché des pays développés a rapidement tari depuis les années 70, le marché asiatique va inévitablement se rétrécir à mesure que la sensibilisation aux méfaits de l'amiante progresse. La nouvelle mine, si elle s'ouvre, ne va employer que 240 travailleuses et travailleurs, et cela, à un salaire de 14-16$ de l'heure, qualifié par le dirigeant du syndicat local comme «crève-faim». Et même pour obtenir cela il a fallu signer une convention de longue durée.

Les collectivités d'Asbestos et de Thetford Mines méritent certainement notre solidarité. Mais l'accumulation de défaites et la politique du «partenariat» de nos centrales ont-elles jusqu'à ce point resserré nos horizons que nous nous voyons aujourd'hui forcés de défendre, activement ou par notre silence, une position corporatiste qui nous rend solidaires avec les patrons et leurs gouvernements dans une entreprise coloniale qui est - ne mâchons pas les mots - profondément criminelle? Avons-nous jusqu'à ce point perdu la confiance dans nos forces que nous ne croyons pas possible de nous mobiliser en faveur de mesures de transition pour les collectivités et pour la création par l'État d'emplois dignes pour ces citoyennes et citoyens?