La récente décision de la Cour suprême sur la constitutionnalité de la loi fédérale sur la procréation assistée a généré, comme prévu, les sempiternels débats relatifs à la question de savoir si l'identité québécoise était ou non mise en péril par le gouvernement fédéral. Pourtant, du point de vue des provinces, la véritable question que soulève ce jugement est celle de son impact sur la décision que la Cour sera appelée à rendre cette année sur la constitutionnalité d'un projet de loi fédérale visant la mise sur pied d'une commission nationale des valeurs mobilières.

La récente décision de la Cour suprême sur la constitutionnalité de la loi fédérale sur la procréation assistée a généré, comme prévu, les sempiternels débats relatifs à la question de savoir si l'identité québécoise était ou non mise en péril par le gouvernement fédéral. Pourtant, du point de vue des provinces, la véritable question que soulève ce jugement est celle de son impact sur la décision que la Cour sera appelée à rendre cette année sur la constitutionnalité d'un projet de loi fédérale visant la mise sur pied d'une commission nationale des valeurs mobilières.

L'arrêt sur la procréation assistée portait sur l'interprétation à donner à la compétence fédérale sur le droit criminel. Sans diminuer l'importance de cette question, il faut bien admettre que les limites de cette compétence, quoique difficiles à tracer, n'ont pas le caractère éminemment flou des frontières de la compétence fédérale sur la «réglementation générale du commerce» qui constituera le cheval de bataille du gouvernement fédéral dans l'avis consultatif sur les valeurs mobilières. Si la Cour suprême devait choisir la voie d'une interprétation généreuse de cette compétence, une centralisation importante des pouvoirs pourrait être à craindre.

Or la récente décision de la Cour sur la procréation assistée ouvre peut-être la porte à un argumentaire favorable à la position des provinces dans leur contestation du projet de loi fédérale sur les valeurs mobilières.

Jusqu'à présent, lorsque la légalité constitutionnelle d'une loi était contestée, l'ordre de gouvernement appelé à défendre la validité de la loi n'avait pas à présenter une preuve empirique de l'efficacité de celle-ci. Il n'avait pas non plus à faire la démonstration de son caractère sage ou approprié. Il lui suffisait de présenter des éléments de preuve permettant de «convaincre la Cour que la loi contestée [avait] un fondement rationnel dans le pouvoir législatif invoqué à l'appui de sa validité» (Anti-inflation, 1976). Bref, le fardeau de preuve était minime.

Si un tel test devait être mis en oeuvre dans l'avis consultatif sur les valeurs mobilières, le fédéral, pour justifier la validité de sa loi, n'aurait donc pas à faire la démonstration empirique de la plus grande efficacité d'une commission nationale des valeurs mobilières par rapport aux actuelles commissions provinciales. Il lui suffirait d'établir que sa loi peut rationnellement se fonder sur la compétence relative à la réglementation générale du commerce. Pareille démonstration ne serait pas très difficile à faire.

Toutefois, dans l'arrêt sur la procréation assistée, les cinq juges ayant conclu à l'inconstitutionnalité d'une partie de la loi ont implicitement refusé de se fonder sur le principe du «fondement rationnel». On dira ce que l'on veut, les dispositions fédérales en litige dans cette affaire entretenaient très certainement un lien rationnel avec la moralité, si on entend par un tel lien le rapport relativement ténu généralement exigé par les tribunaux. Les juges dissidents sur cette question ont d'ailleurs approuvé la loi fédérale sur la procréation assistée en affirmant que, pour établir la validité de celle-ci, «le Parlement [avait] seulement besoin de motifs raisonnables de croire que sa loi s'attaquera[it] à une question morale d'une importance fondamentale».

Au contraire, en se fondant sur le rapport d'une commission d'enquête ainsi que sur le témoignage d'un certain nombre de personnes, les juges majoritaires ont plutôt conclu que, loin d'être un mal public, la procréation assistée représentait un progrès pour les personnes aux prises avec l'infertilité. Ils ont également affirmé qu'«à moins de vouloir changer le droit et conférer une portée illimitée et incontrôlable à la compétence fédérale en droit criminel, l'exigence que le mal soit réel et que l'appréhension du préjudice soit raisonnable constitue une composante essentielle du volet matériel de la définition du droit criminel. L'absence d'une telle exigence supprimerait dans les faits toute limite du pouvoir fédéral de légiférer en droit criminel».

Ces juges semblent donc lancer le message qu'une preuve très crédible, sinon empirique, du rattachement de la loi à une compétence donnée, pourrait être exigée d'un ordre de gouvernement pour que soit reconnue la validité de sa loi. Un simple «fondement rationnel» ne suffirait plus.

Si tel est le cas, Ottawa aura la partie beaucoup moins facile lorsqu'il sera appelé à faire la démonstration de la constitutionnalité de son projet de loi. Puisque l'efficacité est au coeur de la compétence sur la réglementation générale du commerce - comme l'exigence que le mal soit réel et que l'appréhension du préjudice soit raisonnable est au coeur de la définition du droit criminel -, le gouvernement fédéral ne pourra pas se contenter d'affirmer mollement et sans preuve tangible que le mécanisme de régulation des valeurs mobilières est plus performant que celui des provinces.

Espérons que tel sera le test imposé au gouvernement central, car la décision que rendra la Cour suprême quant la portée de la compétence sur la réglementation générale du commerce influera, comme aucune autre décision depuis au moins 30 ans, sur l'orientation que prendra notre fédération