Denis Saint-Martin, ancien conseiller du premier ministre Paul Martin, a visiblement mal lu mon intervention au colloque Philippe-Séguin tenu à Paris, à l'Assemblée nationale, vendredi dernier.

Denis Saint-Martin, ancien conseiller du premier ministre Paul Martin, a visiblement mal lu mon intervention au colloque Philippe-Séguin tenu à Paris, à l'Assemblée nationale, vendredi dernier.

Je n'y ai pas parlé de la reconnaissance internationale du Québec par la France à la suite d'un référendum positif sur la souveraineté. Dans son livre Plus français que moi, tu meurs!, Philippe Séguin faisait une comparaison entre la construction européenne menée dans un premier temps par le couple franco-allemand et la nécessaire relance de la francophonie par le couple franco-québécois. C'est ce dont je parlais.

Quant au premier ministre François Fillon, dans son discours de clôture, il a déclaré «l'Europe, la grande Europe à laquelle la Russie doit être associée, la Méditerranée, le Québec, tous ces espaces chers à Philippe Séguin sont autant d'ouvertures vers lesquels l'universalisme doit tendre». C'est donc que le Québec, pour la France, est un élément stratégique capital, contrairement à ce que dit le professeur Saint-Martin.

Mais puisque M. Saint-Martin veut parler de la reconnaissance internationale du Québec, parlons-en.

Les fédéralistes québécois ont un rêve. Qu'en cas de choix démocratique des Québécois pour la souveraineté, la France «lâche» le Québec. La France, nous répète-t-on depuis au moins 20 ans, est maintenant tellement engoncée dans l'Europe qu'elle ne pourrait faire cavalier seul et reconnaître la décision démocratique des Québécois.

Cette vieille thèse fut reprise dans La Presse hier par le professeur et européaniste Denis Saint-Martin.

C'est un scientifique, son opinion devrait donc s'appuyer sur des faits. Or M. Saint-Martin oublie - ou feint d'oublier - le précédent d'octobre 1995, alors que la France faisait depuis des décennies partie de l'Europe. Au grand déplaisir du Parti libéral fédéral, Jacques Chirac avait annoncé publiquement sur les ondes de CNN qu'en cas de victoire du Oui, la France reconnaîtrait le choix politique des Québécois. Depuis, les historiens ont publié la déclaration que l'Élysée avait préparée en cas de victoire du Oui et qui aurait affirmé cette position, annonçant même à l'avance que la France allait reconnaître le nouvel État, une fois conclues les négociations souhaitées entre le Québec et le Canada. En aucun cas la France n'allait demander de permission à l'Europe.

La France allait prendre cette décision forte, sachant que Jean Chrétien, lui, refuserait de reconnaître la décision québécoise.

M. Saint-Martin tente de nous faire croire que le choix de la France d'accompagner le Québec quelle que soit la voie qu'il décidera de suivre, est une idée des années 60 et du «Vive le Québec libre» du général de Gaulle. La France du XXIe siècle, dit-il, est ailleurs. Il oblitère ainsi la vérité historique de la réaffirmation de cette position par tous les acteurs au cours des 40 dernières années (à la seule exception du président Sarkozy, contredit par certains leaders à droite). Il passe en particulier sous silence la décision du Parti socialiste, en 2010, donc en plein XXIe siècle, de réinscrire son appui au Québec dans son programme électoral. Le PS, M. Saint-Martin le sait peut-être, pourrait être reporté au pouvoir l'an prochain.

Voilà quelques faits qu'un scientifique, il me semble, devrait considérer avant de prendre ses illusions pour des réalités.