Au-delà des symboles, il y a peu à attendre de la rencontre entre Hu Jintao et Barack Obama. Il faut toutefois se garder de sous-estimer la position de négociation américaine en regard de l'importance croissante que prend la Chine dans les affaires mondiales.

Au-delà des symboles, il y a peu à attendre de la rencontre entre Hu Jintao et Barack Obama. Il faut toutefois se garder de sous-estimer la position de négociation américaine en regard de l'importance croissante que prend la Chine dans les affaires mondiales.

Soit, la dyade quasi symbiotique États-Unis/Chine est sous tension, d'une part en raison de la crise financière et de la récession que les premiers ont traversées, non sans heurts, et d'autre part, en raison des ambitions des seconds à jouer un rôle plus affirmé sur la scène internationale. En plus, spécialement depuis les Jeux olympiques de Pékin en 2008, c'est une Chine de plus en plus confiante et revendicatrice d'un statut international nouveau qui fait aujourd'hui face au géant américain.

Devant le rééquilibrage en cours sur l'échiquier international au profit croissant de puissances économiques émergentes membres du G20, il apparaît évident que les Américains ne peuvent plus faire avancer leurs intérêts de la même manière qu'ils ont pu le faire dans la seconde moitié du XXe siècle. Ainsi que l'a soutenu Fareed Zakaria, cet État de fait s'explique plus par «the rise of the rest» - l'arrivée de nouveaux acteurs bousculant l'ordre mondial établi - que par l'accélération d'un déclin américain, par ailleurs annoncé depuis longtemps sans être nécessairement avéré.

Il est juste de dire que les États-Unis sont sous pression. À titre d'exemple, leur hégémonie au palmarès des 500 plus grandes entreprises du monde s'effrite depuis le début du siècle, en partie au profit des multinationales chinoises; 16 figuraient au classement en 2005 alors qu'elles étaient 46 en 2010.  

L'endettement américain massif (privé et public) est aussi une source d'inquiétude, au même titre que cette modeste reprise économique sur fond de chômage élevé (9,4% en décembre 2010). Le dollar américain demeure malgré tout une devise de choix. Ces facteurs, lorsque juxtaposés au fait que la Chine est le plus grand détenteur étranger de bons du Trésor américains et qu'elle est devenue un maillon incontournable des chaînes d'approvisionnement mondiales, peuvent donner l'illusion qu'elle est dans une position enviable face à Washington. Il n'en est rien.

Premièrement, les titres de dette du Trésor américain sont d'excellente qualité. Il est difficile de trouver un placement plus sûr.  

Deuxièmement, la position chinoise est tellement importante que d'en liquider une partie substantielle entraînerait une chute de leur valeur qui ne serait pas souhaitable.  

Troisièmement, la Chine est prisonnière d'un modèle économique qui lui impose la nécessité absolue de maintenir une forte croissance, à défaut de se trouver en rupture d'un contrat social en vertu duquel la prospérité économique est troquée contre certaines libertés. Ceci constitue un autre levier important pour les États-Unis, car le marché américain constitue un débouché très important pour les exportateurs chinois de biens finis et semi-finis. Ces derniers voudront exporter des biens de plus en plus sophistiqués à forte valeur ajoutée (par exemple, des automobiles, voire des avions).  Or, il a fort à parier que cela ne pourra se faire sans un assouplissement 1) des règles concernant les investissements étrangers en Chine ainsi que 2) des modalités d'accès au marché chinois, rendu alléchant par la montée du pouvoir d'achat qu'y possède une classe moyenne toujours plus grande.  

Enfin, les États-Unis peuvent aussi jouer de leur relation privilégiée avec Taiwan.  

Ce ne sont là que des exemples du levier très important que possède Washington dans la gestion de ses relations avec la Chine.

Idéalement, cette visite pourrait permettre de commencer à préparer le terrain des échéanciers politiques à venir, les présidentielles de 2012 aux États-Unis et l'arrivée de la « cinquième génération » de leaders chinois. Cette dernière transition étant empreinte d'une incertitude attribuable en partie au manque de transparence qui la caractérise pour les observateurs que nous sommes.  

N'en déplaise à certains faucons, une guerre froide entre les États-Unis et la Chine est assez peu probable en raison de leur interdépendance économique. Cependant, ces deux nations ont tout avantage à coopérer pour prospérer: les Américains pour conserver leur niveau de vie; les Chinois pour renforcer une légitimité internationale en tant que puissance avec laquelle il faut désormais compter.  

Pour ce faire, il importe de ne pas se laisser distraire par les aléas de la politique domestique des États-Unis, un pays qui a toujours rebondi malgré les crises économiques, politiques et sociales qui jalonnent son histoire récente.  

Au final, une croyance viscérale en l'exceptionnalisme américain est sans doute le meilleur atout des États-Unis dans un monde multipolaire toujours plus complexe.

* L'auteur est membre associé des HEI et du Groupe de recherche en affaires internationales de HEC Montréal.