Lundi dernier, le juge Claude Provost de la Cour du Québec a accordé une absolution inconditionnelle à un couple reconnu coupable de voies de fait sur quatre handicapés intellectuels (dont trois mineurs) confiés à sa charge.  

Lundi dernier, le juge Claude Provost de la Cour du Québec a accordé une absolution inconditionnelle à un couple reconnu coupable de voies de fait sur quatre handicapés intellectuels (dont trois mineurs) confiés à sa charge.  

À la suite de l'audition sur sentence en novembre dernier, La Presse résumait ainsi les témoignages: «La première victime, un autiste de 10 ans, était fascinée par les ventilateurs. Un jour où il était trop près de l'appareil, Mme [...] l'a saisi des deux mains par le cou et lui a approché la tête du ventilateur en criant qu'il n'avait pas le droit d'y toucher. Une jeune employée a été témoin de la scène. Elle a aussi vu l'accusée secouer un enfant de 9 ans pour qu'il cesse de crier. Cet enfant, atteint d'une déficience intellectuelle profonde, ne s'exprime que par des pleurs et des cris.»

Durant le procès, les accusés avaient invoqué le «droit de correction» parental pour justifier leurs actions. Le tribunal n'avait pas retenu cette défense, les accusés s'étant vu confiés la charge des enfants à titre de «ressource intermédiaire» et non pas de délégataire de l'autorité parentale. Le «droit de correction parental» a toutefois refait surface le 24 janvier. Cherchant à justifier sa clémence, le juge a souligné que certains des gestes posés par les accusés «seraient probablement acceptables dans l'exercice du droit de correction des parents».

Mais qu'en est-il exactement de ce droit? Existe-t-il vraiment un droit de correction parental? L'ancien Code civil du Bas Canada contenait une disposition reconnaissant aux parents un droit de correction modérée et raisonnable sur leurs enfants mineurs. Reconduite à l'occasion de la réforme du droit de la famille de 1980, cette disposition a été abrogée en 1994.

On ne saurait cependant s'arrêter là pour conclure à l'inexistence légale d'un droit de correction. L'article 43 du Code criminel autorise toujours les parents à employer la force physique pour corriger leurs enfants, «pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances». En 2004, dans une décision partagée, la Cour suprême a malheureusement confirmé la validité constitutionnelle de cette règle archaïque, refusant d'y voir une atteinte injustifiée aux droits de l'enfant à la dignité, à l'égalité et à l'intégrité.

La Cour suprême a toutefois établi certaines balises. La force raisonnable ne doit servir qu'à des fins d'éducation ou de discipline; elle ne peut justifier de coups à la tête ou l'utilisation d'objets ; elle ne doit pas être «dégradante, inhumaine ou douloureuse»; elle doit être de nature «passagère et négligeable»; elle ne doit pas être motivée par la frustration ou la colère du parent et, enfin, on ne peut y avoir recours qu'envers un enfant capable de comprendre la correction. Dans cette perspective, la force physique ne saurait être utilisée à l'endroit d'enfants de moins de 2 ans ou d'enfants atteints d'incapacités ou de déficience. L'usage de la force serait tout aussi inapproprié à l'égard d'adolescents.

Malgré ces balises, l'article 43 du Code criminel demeure extrêmement gênant. Quelle image véhicule-t-on de l'enfant par cette disposition, si ce n'est celle d'une personne qui ne mérite pas les mêmes protections que les adultes? Si l'enfant est un sujet de droit à part entière, comme nous l'enseigne d'ailleurs la Convention relative aux droits de l'enfant que le Canada a ratifiée en 1991, comment justifier l'usage d'une force physique que l'on jugerait, en toute autre circonstance, socialement et juridiquement inacceptable?

Sachant que la punition corporelle n'a aucune vertu pédagogique ou éducative et qu'elle sert davantage d'exécutoire à l'adulte qui y a recours, il est grand temps que le législateur canadien abroge l'article 43 du Code criminel.

La violence faites aux enfants par ceux qui sont pourtant sensés les protéger est chose courante. Le droit de correction parental que renferme le Code criminel contribue à banaliser cette violence. Il y a lieu de s'en inquiéter.