C'est avec un mélange de tristesse et de colère que j'ai parcouru votre chronique («Le temps de la lucidité») concernant les dénouements de la saga de l'exploration des gaz de shale. Je connais bien vos opinions en ce qui concerne le développement des richesses au Québec; je les respecte et les partage à bien des égards.

C'est avec un mélange de tristesse et de colère que j'ai parcouru votre chronique («Le temps de la lucidité») concernant les dénouements de la saga de l'exploration des gaz de shale. Je connais bien vos opinions en ce qui concerne le développement des richesses au Québec; je les respecte et les partage à bien des égards.

J'habite à 130 mètres du puits de forage Saint-Grégoire no 2 de la compagnie gazière Junex. Je vis dans cette maison ancestrale construite en 1760 depuis 1996.

En juin 2009, la compagnie Junex a entrepris des travaux exploratoires de forage. Ces travaux, qui devaient durer un mois et s'effectuer de jour, se sont déroulés pendant presque cinq mois, et ce, de jour et de nuit. Je suis témoin privilégié des inconvénients inhérents à la proximité des travaux de forage. Outre la présence du site de forage à proximité de ma résidence, la voie d'accès à ce site industriel est, elle, à moins de 15 mètres.

Ainsi, les vibrations secondaires à la circulation lourde, les bruits incessants de ces poids lourds et du matériel de forage, la clameur des travailleurs sur les chantiers, je les ai vécus 24 heures sur 24, durant plusieurs jours de cet été 2009. Ce sont des faits réels, vécus chez nous, au Québec et qui ne demandent pas d'études exhaustives. Cette proximité gênante, stressante et choquante s'appelle de la promiscuité.

Lorsque les travaux ont pris fin à l'automne 2009, j'ai cru, par ignorance, que mon expérience de vie en zone industrielle prenait fin. Quelle ne fut pas ma surprise, lors de la réunion d'informations des compagnies gazières dirigée par André Caillé à Bécancour, d'apprendre qu'il y aurait, au site no 2, le forage de huit à 10 autres puits verticaux de 1 à 1,5 km de profondeur, que chaque puits vertical se prolongerait de huit à 12 puits horizontaux d'une longueur de 1 km et que la fracturation de chaque puits nécessiterait le transport de 500 camions-citernes d'eau!

Ces informations ne m'ont pas été communiquées par une équipe en croisade, ni par des militants dévots, ni par des citoyens hystériques ; elles l'ont été par la bouche même d'un des ingénieurs de la compagnie Junex. J'en suis encore secouée et comme vous le dites si bien, ça demande réflexion.

Je me sens un peu seule et je m'explique difficilement comment les élus municipaux, la MRC de Bécancour, le CPTAQ et le gouvernement actuel ont pu laisser s'installer une compagnie gazière dans un milieu rural, sur une terre en culture biologique, à 130 mètres d'une résidence privée habitée par des citoyens.

Alors M. Dubuc, s'il vous plaît, ne me parlez plus jamais de croisade, d'hystérie, de grogne antilibérale et d'immobilisme en ce qui concerne le dossier du gaz de shale. Lorsqu'une compagnie gazière prendra siège près de votre demeure, vous comprendrez très rapidement que la lucidité n'a peut-être pas la même signification pour tous.

Votre lucidité, M. Dubuc, sera-elle plus salvatrice que la mienne? Encore une fois, il y a matière à réflexion car, tout comme vous, j'ai droit au respect.

* Médecin vétérinaire, l'auteure habite à Saint-Grégoire de Bécancour, dans la vallée du Saint-Laurent.

Réponse d'Alain Dubuc

Mme Milette, quand je parle d'hystérie, je ne parle certainement pas de la colère parfaitement justifiée de citoyens, comme vous, qui subissez un traitement inacceptable, ni des craintes légitimes d'une population qui ne fait pas confiance à ses élus pour les protéger adéquatement. Le gaz de schiste ne doit pas être exploité, à mon avis, si cela ne se fait pas dans le respect des citoyens et de l'environnement. Point. Quand je parle d'hystérie, je fais allusion aux courants militants qui seront toujours contre cette exploitation, peu importe l'encadrement, qui refusent un débat éclairé, qui ont dénoncé le BAPE lorsqu'il amorçait ses travaux.