Au lieu de nous unir et de nous mobiliser autour d'une noble cause, la protection de l'environnement nous divise. Le ton des échanges est devenu agressif jusqu'à atteindre la stridence des affrontements passés entourant la question nationale. Je pense tout naturellement à la controverse à propos de l'exploitation des gaz de schiste, mais la tension dans le reste du Canada est tout aussi vive autour des sables bitumineux.

Au lieu de nous unir et de nous mobiliser autour d'une noble cause, la protection de l'environnement nous divise. Le ton des échanges est devenu agressif jusqu'à atteindre la stridence des affrontements passés entourant la question nationale. Je pense tout naturellement à la controverse à propos de l'exploitation des gaz de schiste, mais la tension dans le reste du Canada est tout aussi vive autour des sables bitumineux.

C'est le bilan désolant que m'inspire la lecture du livre d'Ezra Levant, Ethical Oil (2010). L'ouvrage se veut une défense percutante du pétrole albertain. L'argument central, n'en déplaise au ministre de l'Environnement Peter Kent, qu'il a resservi devant les micros, n'est pas recevable. L'éthique relève des valeurs morales et réfère aux comportements des individus qui les pratiquent. Le pétrole provenant des sables bitumineux n'est pas plus ni moins éthique que ne l'est le sirop d'érable. On ne peut pas exonérer une industrie qui émet une trop grande quantité de gaz à effet de serre sous prétexte que l'extraction du pétrole au Nigéria pollue davantage, ou que le Canada est plus démocratique que les pays producteur du Golfe. Il est vrai qu'interrompre l'exploitation des sables bitumineux ne diminuera en rien la consommation de pétrole et n'aura qu'un effet marginal sur les émissions mondiales de CO2.

C'est sur ce qu'il nous apprend sur la manipulation de l'opinion à laquelle se livrent les organisations non gouvernementales que les révélations de l'ouvrage sont les plus dérangeantes. Informer, éduquer sont des objectifs louables, c'est ce que font les meilleurs militants écologistes. Mais profiter de la sympathie qu'inspire une cause ou effrayer l'opinion dans le but d'en retirer un profit revient à polluer le débat. La confiance est essentielle à la vie en société car la méfiance paralyse le fonctionnement des institutions et mine les rapports entre individus.

Malheureusement, la méfiance s'est insinuée dans nos débats sur l'environnement. Au point qu'il est très difficile de faire confiance à tous ces spécialistes, qui ont à coeur notre bien. L'environnement est à vendre. Comme des prédicateurs corrompus, les hauteurs morales de l'écologie sont encombrées de charlatans.

Ezra Levant expose les stratégies des groupes environnementaux, mais aussi des entreprises et des banques d'investissements qui dénoncent sans retenue l'exploitation des sables bitumineux pour accroître leurs revenus. Parmi les entreprises mises en cause, il y a les fonds d'investissements éthiques des institutions financières. La Co-operative Bank d'Angleterre, par exemple, qui dénonce publiquement l'exploitation des sables bitumineux tout en détenant des actions de Shell, Total et BP toutes très actives dans le secteur.

Elle n'est pas la seule. Le Fond Desjardins Environnement est aussi mentionné. J'admets fort bien qu'un épargnant souhaite tirer profit des revenus provenant des sables bitumineux. Après tout, en dehors des banques et de l'énergie, il n'y a pas beaucoup de choix d'entreprises à risque modéré dans lesquelles investir au Canada. Je supposais, naïvement sans doute, que dans un fonds-environnement on privilégiait les entreprises engagées dans des activités non polluantes; au risque de nuire au rendement. Je m'étonne donc de constater que les titres qui dominent le Fond Desjardins Environnement sont Talisman (6,4%), rendue célèbre par les gaz de schiste, et Suncor (5,5%). Cette dernière est le plus grand producteur de pétrole provenant des sables bitumineux (323 000 barils par jour en décembre). Soyons rassurés, l'investissement responsable exclut le nucléaire.

Il est vrai que Suncor a consacré des sommes importantes pour éliminer les étangs de résidus toxiques qui font tant de tord aux canards qui s'aventurent à leur surface et à la réputation internationale du Canada. C'est probablement ce qui lui a valu de satisfaire aux indicateurs de performance environnementale des stratèges de Desjardins.

Personne ne gagne au jeu des exagérations et à la manipulation de l'opinion. Les débats entourant les sables bitumineux et les gaz de schistes donnent raison à ceux et celles qui déplorent que l'environnement soit devenu la religion de l'époque, avec son lot de mauvaise foi et d'abus. Si Tartuffe, ce faux dévot, m'était conté, j'en ferais un militant écologique ou un spécialiste des finances.