En annonçant, mardi soir, qu'il ne se représentera pas aux prochaines élections présidentielles égyptiennes, en septembre, Hosni Moubarak a fait un pas de plus vers une fin de règne inéluctable, tout en persistant à exclure son départ immédiat.

En annonçant, mardi soir, qu'il ne se représentera pas aux prochaines élections présidentielles égyptiennes, en septembre, Hosni Moubarak a fait un pas de plus vers une fin de règne inéluctable, tout en persistant à exclure son départ immédiat.

À bien des égards, son discours est apparu comme l'expression d'un refus de finir comme l'ex-président tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali, chassé du pouvoir de façon humiliante, après trois semaines de manifestations. En affirmant son intention de terminer son mandat et de mourir sur une terre pour laquelle il s'est battu, le président égyptien, qui est un militaire (il ne faut pas l'oublier), cherche une sortie honorable, qui lui permettrait en outre d'être l'un des acteurs de la transition qui se prépare en Égypte.

Cette ultime posture pharaonique est pourtant intolérable pour les Égyptiens, qui étaient plus d'un million à manifester au Caire, mardi, et qui ont annoncé leur détermination à demeurer dans la rue jusqu'à la démission du président égyptien. On comprend la colère qui a accueilli la rebuffade d'Hosni Moubarak, car ce dernier n'a pas hésité à proposer de surcroît une révision constitutionnelle pour permettre aux prochaines élections présidentielles d'être plus concurrentielles que les dernières, tenues en 2005.

Le projet est d'autant plus grotesque que ce précédent scrutin, présenté comme le résultat d'une réforme audacieuse parce qu'il autorisait la pluralité de candidatures, avait tourné à la mascarade, l'indéboulonnable président cherchant à empêcher la candidature de ses concurrents potentiels, et finissant par être «élu» avec un score comparable à ceux de ses plébiscites antérieurs et une participation réelle qui n'a probablement pas excédé 7% des suffrages exprimés! Il y a longtemps que le peuple égyptien demande à Moubarak de s'en aller...

Mais Moubarak ne semble pas décidé à partir, et le problème de sa succession explique que le leader égyptien soit encore en place, et puisse oser caresser le rêve de jouer les prolongations jusqu'en septembre. L'armée, qui lui est restée fidèle jusqu'à présent mais qui n'a pas tiré sur les manifestants, est donc l'une des données majeures du processus en cours.

Dans un contexte de plus en plus incertain, une contre-révolution n'est pas à exclure, même si les États-Unis viennent de mettre en garde les autorités égyptiennes contre une telle tentation qui s'est exprimée ces dernières heures par la tenue de manifestations favorables à Moubarak, que l'armée semble avoir facilitées.

En revanche, si les militaires acceptaient le départ du raïs, jusqu'où toléreraient-ils la remise en cause d'un système politique dont ils profitent largement? Les Frères musulmans qui, depuis le début des événements, ont suivi une stratégie subtile, passant d'un accompagnement prudent à un engagement organisé, constituent l'autre donnée d'une possible mutation politique. Sont-ils prêts à s'intégrer dans un processus pluraliste, alors même qu'au cours des dernières années, la tendance la plus conservatrice a repris le contrôle de la confrérie?

Le mouvement populaire puissant, parti à l'assaut de l'immobilisme du raïs depuis une dizaine de jours, est bien sûr la dernière et principale donnée du processus en cours en Égypte. Mais tout le problème est que cette force nouvelle, prolongement spectaculairement amplifié des mobilisations antérieures survenues depuis 2004, n'a pas engendré pour l'instant de structures capables de porter un projet politique. Les comités de quartier qui essaient de suppléer à l'absence de la police pour maintenir l'ordre sont un premier pas, mais ils sont loin de constituer l'armature politique qui fait encore défaut à ce pays.

Quant à l'engagement de Mohamed ElBaradei, s'il constitue un atout, du fait de la notoriété internationale du prix Nobel de la paix 2005, il n'a pas encore permis à l'intéressé d'obtenir le charisme qui lui est nécessaire.

Il n'en reste pas moins que le changement est urgent en Égypte, mais on voit mal comment une véritable transition politique pourrait commencer tant qu'Hosni Moubarak reste aux commandes.