Aujourd'hui, une mère a fondu en larmes dans mon bureau de consultation. Je ne lui ai pas annoncé que son enfant avait un cancer, une grave malformation cardiaque ou une autre maladie incurable. Eh non! Son jeune fils est atteint d'un trouble d'apprentissage et éprouve des difficultés scolaires importantes, mais pas insurmontables.

Aujourd'hui, une mère a fondu en larmes dans mon bureau de consultation. Je ne lui ai pas annoncé que son enfant avait un cancer, une grave malformation cardiaque ou une autre maladie incurable. Eh non! Son jeune fils est atteint d'un trouble d'apprentissage et éprouve des difficultés scolaires importantes, mais pas insurmontables.

La situation requiert l'aide d'une orthophoniste pour bien évaluer la problématique. En théorie, les services d'orthophonie pour un enfant d'âge scolaire sont assurés par la commission scolaire. En réalité, la disponibilité de ces services est quasi nulle, et cette mère et moi savons très bien que son enfant poireautera sur une liste d'attente durant de longs mois. Au mieux, il sera «peut-être » évalué au courant de la prochaine année scolaire si nous insistons tous beaucoup (une façon polie de dire harceler) auprès de la commission scolaire.

Bien sûr, des services d'orthophonie existent dans le secteur privé. Toutefois, dans certaines régions du Québec, il faut attendre près de 18 mois pour avoir accès à ce genre de soins (car c'est de soins dont on parle), même en privé. Pour d'autres parents, le coût de ces démarches représente une barrière infranchissable. C'est le cas de la famille dont je vous parle. Les parents se sont déjà endettés pour offrir à leur deuxième enfant, atteint d'un trouble du langage, une évaluation et un diagnostic rapide en orthophonie. La liste d'attente au centre de réadaptation était de deux ans! Une éternité pour un enfant d'âge préscolaire. Malheureusement, les ressources financières ne sont plus disponibles pour les autres enfants de la famille.

J'ai donc dû expliquer à cette mère, qui vit au Québec et non dans un pays du Tiers-monde, qui contribue aux impôts chaque année, que son enfant devra attendre de longs mois avant de pouvoir recevoir les services auxquels il a droit. D'ici à cette évaluation, il accumulera probablement un retard scolaire important, sera démotivé face à l'école ou carrément déprimé.

J'ai dû expliquer à cette famille que, au Québec, on aime mieux financer des techniques coûteuses de reproduction assistée plutôt que d'investir dans l'avenir des enfants qui sont déjà là. Dans notre belle province, on s'offre des amphithéâtres à coups de millions, à même les fonds publics, plutôt que prendre des décisions moins populaires mais plus équitables. En cette semaine de la persévérance scolaire, je trouve bien ironique que l'on n'adresse pas la problématique criante du manque de ressources en évaluation et adaptation scolaire dans nos écoles.

Je suis tellement fâchée, déçue et triste de la gestion de mon gouvernement qui fait des choix bêtes et faciles, mais pour espérer quoi? Gagner une autre élection? Je suis tellement déçue de devoir m'avouer que chez moi, il y a bel et bien un système de santé à deux vitesses. Les familles nanties peuvent offrir à leurs enfants tous les services dont ils ont besoin pour surmonter les difficultés de la vie. Les enfants issus de familles plus démunies, qui sont aux prises avec les mêmes problèmes, n'ont pas accès à la même offre de service.

Dès l'école primaire, on condamne ces enfants à traîner le boulet de leurs difficultés scolaires. On les condamne à la démotivation, à l'échec, au manque d'estime de soi, au décrochage scolaire. On les empêche de devenir des adultes autonomes, épanouis et des membres actifs de la société québécoise.

Qu'à cela ne tienne, ils auront un bel amphithéâtre à admirer. Du pain et des jeux...