Il y a maintenant trois ans, le Kosovo, territoire sous tutelle onusienne, a proclamé unilatéralement son indépendance. L'an dernier, celle-ci a reçu un avis consultatif favorable de la Cour internationale de justice (CIJ). Cet avis a été salué positivement dans le monde occidental, et plus particulièrement par les indépendantistes québécois*. Certains attendaient alors des reconnaissances en cascade. Il n'en a rien été.

Il y a maintenant trois ans, le Kosovo, territoire sous tutelle onusienne, a proclamé unilatéralement son indépendance. L'an dernier, celle-ci a reçu un avis consultatif favorable de la Cour internationale de justice (CIJ). Cet avis a été salué positivement dans le monde occidental, et plus particulièrement par les indépendantistes québécois*. Certains attendaient alors des reconnaissances en cascade. Il n'en a rien été.

L'indépendance du Kosovo était inévitable, tant ce territoire de l'ex-Yougoslavie a connu de souffrances pendant le règne de Slobodan Milosevic. Après l'intervention de l'OTAN en 1999 pour mettre fin aux violences, le Kosovo a été placé sous tutelle onusienne et sous la protection des troupes de l'OTAN. Des milliers de soldats et de civils ont assuré et assurent toujours sa sécurité et son administration. Des négociations diplomatiques de haut niveau menées en parallèle n'ont pu, en sept ans, rapprocher les parties quant au statut définitif de ce territoire. Les Kosovars ont alors déclaré leur indépendance le 17 février 2008. Elle a été immédiatement reconnue par 22 des 27 pays de l'Union européenne, le Canada, les États-Unis et plusieurs pays alliés des Occidentaux.

L'année dernière, en juillet 2010, au moment où la CIJ rendait un avis consultatif stipulant «que la déclaration d'indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n'a pas violé le droit international», 69 pays avaient reconnu le nouvel État. Un an plus tard, six autres ont posé ce geste et la majorité des États du monde ne reconnaissent toujours pas le Kosovo. Que se passe-t-il?

La proclamation de l'indépendance et la reconnaissance diplomatique sont d'abord et avant tout des actes politiques. Mais ce sont deux choses distinctes et l'une n'entraîne pas nécessairement l'autre. Dans son mémoire écrit déposé devant la CIJ lors des audiences sur le Kosovo, la France insiste pour dire que «l'existence d'un État est une question de fait» et que le droit «s'incline devant le fait étatique». La reconnaissance est dès lors «un acte discrétionnaire que les autres États peuvent effectuer au moment de leur choix, sous la forme qu'ils décident et librement».

L'histoire des 40 dernières années est riche des contradictions de la communauté internationale face à ce fait et au caractère discrétionnaire de la reconnaissance. En général, un État est souverain lorsqu'il possède quatre éléments constitutifs: un territoire, une population, un gouvernement en mesure d'imposer son autorité, et l'aptitude à entrer en relation avec les autres États. La reconnaissance devrait donc suivre. Pourtant, elle ne suit pas nécessairement et, lorsqu'elle le fait, les éléments constitutifs ne sont pas tous respectés.

La Rhodésie raciste était un État, mais non reconnu. Taiwan n'est reconnu que par 22 pays. La République arabe sahraouie ne contrôlait à peine que 10% du Sahara occidental, mais a pourtant été reconnue pendant un temps par 85 pays et elle est même aujourd'hui membre de l'Union africaine.

On le voit bien: il n'y a pas de pratique unique en matière de reconnaissance étatique. Pour autant, on remarquera que la proclamation de l'indépendance et la reconnaissance diplomatique découlent d'une situation. Et celle-ci fait l'objet d'une appréciation lorsque les États se déterminent face à la nouvelle entité. Si la République sahraouie a obtenu autant de reconnaissance, c'est en raison du principe de l'autodétermination des peuples en situation coloniale.

Le statut d'État du Kosovo - il est vrai assuré par la présence de milliers de soldats occidentaux - ne faisait aucun doute. Toutefois, si seulement 75 pays sur 192 membres de l'ONU l'ont reconnu, cela démontre la difficulté de l'entreprise. Ce que les États n'acceptent pas, c'est le caractère unilatéral du geste et l'absence d'accord de l'État amputé d'une de ses parties. Cette situation ne se présente pas dans le cas du Sud-Soudan où toutes les parties ont accepté les règles du jeu. Le Sud-Soudan deviendra bientôt le 193e État membre de l'ONU bien avant le Kosovo.

* Voir l'étude sur l'avis de la Cour internationale de justice sur l'indépendance du Kosovo, par le professeur Patrice Garant (www.ideefederale.ca).