Une vraie révolte populaire, comme celle en Tunisie et en Égypte, est en train de voir le jour en Libye, exigeant la chute du colonel Kadhafi, le plus ancien des dictateurs arabes, au pouvoir depuis 1969.

Une vraie révolte populaire, comme celle en Tunisie et en Égypte, est en train de voir le jour en Libye, exigeant la chute du colonel Kadhafi, le plus ancien des dictateurs arabes, au pouvoir depuis 1969.

Depuis le début de ce mouvement de protestation sans précédent, le 15 février, la répression est d'un niveau jamais atteint dans les autres pays arabes. Le régime n'a pas hésité à tuer et se livre à un massacre à huis clos. Le bilan s'élève à plus de 233 morts: le régime a perdu la boussole et il se sent vraiment menacé et fragilisé.

Le succès de cette révolte dépendra aussi essentiellement de la force de la rue et de la détermination des manifestants à faire durer le conflit jusqu'au départ de Kadhafi, mais aussi du rôle que pourrait jouer l'institution militaire. L'armée libyenne serait-elle l'allié de la révolte populaire ou endossera-t-elle le rôle de nettoyeur?

La structure des forces armées libyennes est composée de deux unités, dont le degré de loyauté au régime est différent. Il y a une armée dite traditionnelle composée d'environ 76 000 hommes. Au niveau des équilibres stratégiques régionaux, cette armée se sent moins équipée et ses capacités opérationnelles sont encore faibles. Comme en Algérie, les hauts gradés de la hiérarchie militaire se livrent souvent à des activités commerciales.

Cependant, le colonel Kadhafi a toujours été convaincu depuis son arrivée au pouvoir que l'armée traditionnelle représente un bastion réactionnaire ayant tendance à se substituer au peuple. Ainsi, par la crainte de subir un coup d'État militaire et afin de neutraliser les visées interventionnistes des militaires dans la vie politique, il va consolider son pouvoir autour de la Garde révolutionnaire, une réserve paramilitaire de 40 000 citoyens constituant les «milices populaires». Présentes dans toutes les villes libyennes et dirigées par les enfants de Kadhafi, ils ne dépendent ni des états-majors, ni du ministre de la Défense. Ce jeu de balancier dans cette dictature a été le garant de la survie politique de Kadhafi.

Cette structure militaire augmente le risque d'une confrontation entre l'armée traditionnelle et la Garde révolutionnaire qui a menacé les manifestants d'une riposte «foudroyante». C'est elle qui a tiré sur les manifestants à l'aide de mercenaires africains recrutés par le régime pour neutraliser le mouvement de contestation.

L'armée n'est pas encore intervenue et n'hésitera pas à prendre le parti du peuple pour sauver son image et ne pas porter l'opprobre de la répression de la révolte populaire. Son rôle sera donc déterminant et son attitude vis-à-vis la gestion de cette crise fera la différence en faveur de la chute du régime de Kadhafi, dont les jours au pouvoir sont comptés.

L'évolution de la situation politique en Libye depuis le début de la révolte témoigne que l'armée n'endossera pas le rôle de «nettoyeur». Si les hauts officiers sont intégrés dans les rouages du régime et tirent profit des avantages que ce dernier leur procure, le reste des militaires qui seront appelés à descendre dans la rue sont marginalisés et c'est eux qui pourraient faire défection au régime.

Le régime de Kadhafi, fondé sur des alliances tribales, est fortement déstabilisé et menacé. La tribu de Tarhouna qui représente le tiers de la population de la capitale Tripoli et dont la plupart des soldats de l'armée sont issus, a décidé de lâcher le régime et se ranger du côté de la révolte ainsi que la tribu de El Zoui, de Warfla et les Touaregs au sud du pays.

Le démantèlement des alliances du régime ne cesse de s'accroître. Cependant, sa chute créera un grand vide politique, car l'opposition installée essentiellement à l'étranger est très fragmentée et manque de leadership, ce qui favorise les chances de l'intervention de l'institution militaire pour assurer la transition et maintenir l'ordre.