Les débats sur les effets économiques de l'immigration, soulevés dans le livre Le Remède imaginaire de Benoît Dubreuil et Guillaume Marois (des extraits sont parus dans La Presse du 26 février) sont fort importants. Il est révélateur d'un discours anti-immigrationniste (terme utilisé par Pierre-André Taguieff, chercheur français cité d'ailleurs par les auteurs) qui consiste à accuser presque tout le monde de «fermer les yeux» (titre d'un ouvrage récent de Michèle Tribalat sur le même thème en France) sur les arguments soi-disant rationnels et objectifs qui démontrent que les effets positifs de l'immigration sont inexistants.

Les débats sur les effets économiques de l'immigration, soulevés dans le livre Le Remède imaginaire de Benoît Dubreuil et Guillaume Marois (des extraits sont parus dans La Presse du 26 février) sont fort importants. Il est révélateur d'un discours anti-immigrationniste (terme utilisé par Pierre-André Taguieff, chercheur français cité d'ailleurs par les auteurs) qui consiste à accuser presque tout le monde de «fermer les yeux» (titre d'un ouvrage récent de Michèle Tribalat sur le même thème en France) sur les arguments soi-disant rationnels et objectifs qui démontrent que les effets positifs de l'immigration sont inexistants.

L'objectif fondamental du livre, à savoir évaluer les volets démographique et économique des politiques d'immigration, est fort louable, voire même indispensable. Selon les auteurs, il y aurait une montagne de données démontrant l'absence d'effets positifs de l'immigration sur l'économie québécoise et canadienne. Mais, de quelle sorte de montagne s'agit-il?

Si l'on admet les nombreuses failles méthodologiques qu'ils reconnaissent aux études utilisées, on s'étonne du ton péremptoire du livre. Quelques exemples: ils affirment que seule une méthode plus globale permettrait d'évaluer l'impact de l'immigration, mais qu'elle existe plus ou moins, et que toutes les méthodes ont des failles puisqu'elles excluent des variables importantes. On nous dit qu'il faudrait des analyses par secteurs, régions, catégories de travailleurs, mais, toujours selon les auteurs, que les méthodes pour les faire sont imparfaites. Peut-on mesurer l'impact de l'immigration sur la compétitivité? Leur réponse: peut-être! La présentation des résultats n'est pas très convaincante quand on lit par exemple que «l'impact de l'immigration ne peut être que très faible, pire il n'est même pas certain qu'il soit positif». Ou encore: il est «impossible de savoir si l'impact de l'immigration sera positif ou négatif tant et aussi longtemps que l'on est incapable de déterminer les performances économiques qu'auront au cours de leur vie active les immigrants que l'on accueille aujourd'hui».

Finalement, les auteurs reposent tout leur argumentaire sur le postulat fort discutable suivant: si chaque étude a une probabilité non négligeable de se tromper, la probabilité qu'elles se trompent toutes est très faible! Bref, une montagne drôlement fissurée.

Un mot rapide sur la performance économique des immigrants et des natifs. Les résultats présentés dans le livre sont largement connus par les chercheurs en immigration, en particulier le fait que la performance économique des immigrants se soit effectivement ralentie dans les années récentes. Comment l'expliquer? Les auteurs, sortant de l'analyse des faits, plongent ici en plein terrain des jugements de valeur et de l'opinion. Pour eux, ce qu'ils nomment l'échec de l'intégration constitue un processus normal, personnes n'est à blâmer, surtout pas les institutions de la société d'accueil. Il est normal, disent-ils, que les employeurs accordent moins d'importance aux diplômes étrangers et qu'ils ne reconnaissent pas les expériences de travail non réalisées au Canada.   

Toujours selon les auteurs, ceux qui, au contraire, expliquent les difficultés d'intégration sur le marché de travail par la discrimination le font parce qu'ils ne connaissent pas les causes de la non-performance économique des immigrants. C'est faire fi d'une littérature scientifique fort abondante au Canada sur la discrimination à l'égard des minorités visibles.

Mais, en dernière analyse, ce qui gêne le plus dans le livre, c'est le choix des études retenues pour la démonstration.  Les auteurs citent amplement les travaux de l'économiste américain George Borjas, mais omettent de rendre compte des débats, parfois houleux, entre lui et David Card, deux économistes de renom, sur les bienfaits de l'immigration, négatifs pour l'un, positifs pour l'autre.

La présentation des travaux de Card aurait donné un autre son de cloche, celui de l'apport positif de l'immigration lié, selon lui, aux complémentarités dans les compétences.  Un autre son de cloche également aurait pu être donné en incluant les travaux des nombreux sociologues qui ont montré le dynamisme de l'entreprise ethnique.