Je suis ni tout à fait noire, ni tout à fait blanche. Je suis née à Montréal, d'un père haïtien et d'une mère québécoise. L'un sombre et qui a sombré, l'autre lumineuse, une belle blonde aux yeux bleus, avec qui j'ai grandi et qui m'a tout appris. Je suis artiste. Je voyage partout dans le monde pour gagner ma vie. Je parle français, anglais et espagnol, j'ai aussi dans ma poche quelques notions de créole. Mes amis sont de partout. Jadis, on s'appelait affectueusement, la Tribu.

Je suis ni tout à fait noire, ni tout à fait blanche. Je suis née à Montréal, d'un père haïtien et d'une mère québécoise. L'un sombre et qui a sombré, l'autre lumineuse, une belle blonde aux yeux bleus, avec qui j'ai grandi et qui m'a tout appris. Je suis artiste. Je voyage partout dans le monde pour gagner ma vie. Je parle français, anglais et espagnol, j'ai aussi dans ma poche quelques notions de créole. Mes amis sont de partout. Jadis, on s'appelait affectueusement, la Tribu.

Alors, quand j'entends quelqu'un parler de multiculturalisme, ou d'interculturalisme, nécessairement je tends l'oreille. Quand Gérard Bouchard parle, je suis aux aguets. Dans une entrevue accordée à Christiane Charette jeudi dernier, je n'ai pas pu m'empêcher de réprimer un sourire triste. Est-ce vraiment cela que nous sommes devenus, nous les Québécois?

De prime abord, on est témoin d'un peuple qui se questionne, qui investigue, qui veut comprendre, qui a à dire, à revendiquer même parfois. Un peuple qui réclame des commissions d'enquête pour plus de justice, plus d'équité. Un peuple qui, si on se laisse aller à une vague d'enthousiasme, un peuple qui a de l'âme, du chien et de l'esprit.

Pourtant, les questions du Québec ne m'atteignent pas. Le Québec milite pour préserver sa culture, sa langue, son caractère identitaire, soit. Le Québec se préoccupe de sa position minoritaire dans un monde majoritaire, dans une culture globale. C'est légitime. Cependant, le Québec semble se rappeler bien commodément sa position de victime alors qu'il est tout autant bourreau. Belle amnésie collective.

Entendre parler M. Bouchard de tous les enjeux auxquels le Québec fait face en ce qui a trait aux accommodements culturels et religieux, à la cohabitation des peuples, des cultures, des valeurs sans jamais, pas une seule fois, faire mention de la peu glorieuse façon dont nous traitons les peuples autochtones du Québec, c'est une honte et c'est un scandale.

Par exemple, transposons-nous à Johannesburg aujourd'hui. Imaginons, près de 20 ans après la fin du régime de l'apartheid, Anglais et Boers se questionnant sur leurs places respectives dans la société sud-africaine sans prendre en compte les Noirs. Ce serait une honte et un scandale.

Cependant, nous ne sommes pas loin de cette aberration.

Et j'ai honte de faire partie de ça, de ne pas parler l'abénaquis, de marcher chaque jour sur un territoire injustement arraché, d'empiéter sur les terres difficilement préservées, de participer à une oppression organisée, institutionnalisée, acceptée et bien souvent oubliée.

Sommes-nous si préoccupés par notre condition de victime que nous ne voyons même plus les ravages que nous avons causés, que nous causons encore et que nous continuerons de causer si notre conscience collective ne se réveille pas maintenant.

Soyons vigilants, intelligents. Ne soyons pas de ceux qui ignorent et qui oublient. Tournons-nous vers le monde et voyons ce que la répression donne comme résultat... D'Auschwitz aux terres palestiniennes, il est possible d'être victimes et bourreaux à la fois. Ne soyons pas cela.