Improvisation et précipitation. Si ces deux mots n'apparaissent pas explicitement dans le rapport du BAPE sur le développement durable de l'industrie des gaz de schiste au Québec, ils se retrouvent partout en filigrane du document qui souligne, sur plus de 200 pages, les inconnues et les déficiences qui entourent ce secteur énergétique encore balbutiant.  

Improvisation et précipitation. Si ces deux mots n'apparaissent pas explicitement dans le rapport du BAPE sur le développement durable de l'industrie des gaz de schiste au Québec, ils se retrouvent partout en filigrane du document qui souligne, sur plus de 200 pages, les inconnues et les déficiences qui entourent ce secteur énergétique encore balbutiant.  

La somme des avis, qui couvrent les questions environnementales, l'acceptabilité sociale et le modèle économique, est retentissante et sans nuance : le Québec n'est pas prêt à se lancer aujourd'hui dans l'exploitation de cette ressource convoitée, même à vitesse réduite.

Une telle conclusion était inévitable pour qui suit, même de loin, ce dossier. Les nombreux intervenants sur le sujet soulignent en effet, depuis le début de l'été dernier, les questions sans réponse en ce qui concerne le véritable impact environnemental de cette procédure - tant pour les nappes phréatiques que la qualité de l'air et le réchauffement climatique - ainsi que l'adéquation du modèle économique et social.

Il restait à savoir ce que les commissaires du BAPE recommanderaient. Là, les opinions divergeaient, car le mandat donné par le gouvernement imposait des balises qui semblaient laisser bien peu de marge de manoeuvre. Si les commissaires se sont acquittés de cette tâche, soulignant les failles du système actuel et proposant de nombreuses modifications au cadre actuel de développement de l'industrie des gaz de schiste, ils vont beaucoup plus loin en demandant la création d'une évaluation environnementale stratégique sur la question. Ce faisant, ils reconnaissent que le BAPE ne dispose pas des outils suffisants pour évaluer de manière convenable l'ensemble des questions qui entourent le développement de cette ressource.  

En attendant cette évaluation, les commissaires jugent toutefois qu'il serait inapproprié de laisser l'industrie s'installer plus avant et proposent, en des termes différents, un moratoire sur la fracturation hydraulique pour la durée de cette évaluation, limitant considérablement les activités des gazières pour le moment.

Une telle suggestion ne fera certainement pas l'affaire des opposants sans concession à l'exploitation de cette ressource énergétique, ni à ceux qui auraient bien aimé un paragraphe sur la question du pétrole. Elle semble toutefois, et de loin, la voie la plus appropriée à suivre, car l'évaluation environnementale stratégique (ÉES), une approche bien établie au niveau international, impose un cadre d'évaluation qui dépasse l'anecdote et le particulier pour inclure l'ensemble des aspects touchant au développement, à la pertinence et à la durabilité d'un projet ou d'un secteur. Contrairement au BAPE, une ÉES doit également élargir le débat aux alternatives et aux scénarios de rechange tout en prenant en compte le caractère non renouvelable de cette ressource.

Aucune réflexion, aucune évaluation ne valent pour toujours. Toutefois, une ÉES bien gérée permettrait d'étendre le débat sur l'exploitation des gaz de schiste au Québec au-delà des discussions présentes et de répondre aux questions fondamentales qu'on semble avoir oubliées ces derniers mois: est-il possible d'exploiter le gaz de schiste de manière acceptable d'un point de vue environnemental, économique et social, aujourd'hui et demain? Si oui, quand doit-on développer cette ressource, à quel rythme et qui doit être en charge? Comment cette exploitation s'intègre-t-elle dans une stratégie énergétique globale pour le Québec visant à optimiser ses richesses de manière durable pour l'ensemble de ses citoyens? Comment cette exploitation s'intègre-t-elle dans le contexte énergétique québécois, canadien, nord-américain et mondial?

Depuis quelques mois, les appels à une telle évaluation se faisaient de plus en plus nombreux. Aujourd'hui, le gouvernement ne peut plus ignorer ces demandes, qui sont reprises et amplifiées dans le rapport du BAPE sur l'exploitation des gaz de schiste. Il se doit de suivre sans équivoque la recommandation principale des commissaires et lancer, le plus tôt possible, une véritable évaluation environnementale stratégique, avec le mandat et le budget nécessaires pour mener à bien une réflexion d'envergure et mature sur cette ressource naturelle. Toute tentative de réduire la portée de cette évaluation serait fort malvenue.