Quel revenu le gouvernement devrait-il taxer? Le revenu combiné d'une famille ou le revenu individuel de chacun des membres qui la composent? Cette question est loin d'être anodine. Dans un pays comme le nôtre où les revenus plus élevés sont imposés à des taux plus élevés, il est moins coûteux sur le plan fiscal que deux parents gagnent 40 000$ chacun que l'un d'entre eux en gagne 60 000$ tandis que l'autre n'en gagne que 20 000$. Pourtant, dans les deux cas, le revenu familial est rigoureusement identique.  

Quel revenu le gouvernement devrait-il taxer? Le revenu combiné d'une famille ou le revenu individuel de chacun des membres qui la composent? Cette question est loin d'être anodine. Dans un pays comme le nôtre où les revenus plus élevés sont imposés à des taux plus élevés, il est moins coûteux sur le plan fiscal que deux parents gagnent 40 000$ chacun que l'un d'entre eux en gagne 60 000$ tandis que l'autre n'en gagne que 20 000$. Pourtant, dans les deux cas, le revenu familial est rigoureusement identique.  

C'est cette iniquité de traitement que vise à corriger en partie la proposition lancée par Stephen Harper deux jours à peine après le début de la campagne électorale. En permettant aux couples parents d'enfants mineurs de fractionner leurs revenus jusqu'à concurrence de 50 000$, un gouvernement conservateur étendrait à ceux-ci un droit qu'il a consenti aux retraités en 2006. Le hic, c'est que cette mesure ne pourra prendre effet qu'après l'élimination du déficit budgétaire, c'est-à-dire aux environs de 2015. Si les conservateurs n'obtiennent pas de mandat majoritaire le 2 mai prochain, cette promesse restera donc hautement hypothétique.

Les partis de l'opposition n'ont guère tardé à réagir en dénonçant le délai entre la promesse et l'action. Il est vrai que les conservateurs ont choisi une tactique risquée en permettant aux libéraux et aux néo-démocrates d'enfoncer le clou des «choix de société», choix qu'ils résument à la formule suivante: des réductions d'impôt aux entreprises maintenant ou de l'aide aux familles maintenant? La vérité est cependant infiniment plus complexe et interpelle tous les partis politiques.

D'abord, le Canada n'a plus les moyens d'offrir de nouveaux programmes universels coûteux. Il doit d'abord financer adéquatement les programmes existants, particulièrement ceux qui grugent une part croissante de ses recettes fiscales, comme la santé. Le Québec devrait en savoir quelque chose, lui qui a introduit les services de garde à 5$ puis 7$, ainsi que de généreux congés parentaux. Il ne peut maintenant financer ces programmes qui concurrencent tous les autres qu'au prix d'un endettement et d'impôts supérieurs à la moyenne canadienne.   

Le Parti libéral, qui annonce maintenant une prestation pouvant aller jusqu'à 1500$ par année aux étudiants fréquentant le collège ou l'université, doit du même souffle éliminer deux crédits d'impôt existants, soit celui pour les études postsecondaires et celui pour les manuels scolaires. Cela confirme à quel point il est difficile de trouver de l'argent neuf pour de nouveaux programmes. Ramener le taux d'imposition des sociétés à 18% ne suffira tout simplement pas à la tâche.    

Le Parti libéral choisit donc stratégiquement d'épauler financièrement les aidants naturels et les étudiants tandis que le NPD vise les familles aux prises avec des coûts de chauffage élevés. Le NPD se distingue même en proposant d'utiliser la réglementation plutôt que le budget afin de réduire les taux d'intérêt pratiqués sur les cartes de crédit.  

À chacun sa clientèle cible. Avec sa proposition de fractionnement du revenu, le Parti conservateur montre que la sienne se trouve notamment du côté des familles, dont l'un des parents a choisi de rester à la maison ou ne travaille à l'extérieur qu'en échange d'un modeste salaire.  

Au temps de l'élimination du déficit, tous les partis politiques ciblent plus que jamais les électeurs les plus susceptibles d'appuyer leur plateforme. La famille traditionnelle ne constitue peut-être tout simplement pas un terreau fertile pour les libéraux et les néo-démocrates. Les conservateurs ont visiblement une tout autre vision de la chose.