Lors des dernières élections présidentielles américaines, la presse iranienne avait noté, non sans humour, que le nom du candidat démocrate est un homophone de «O-bâ-mâ» qui, en persan, signifie: «Lui avec nous». Les événements récents semblent aujourd'hui donner substance à ce douteux calembour. Pas un jour ne s'écoule en effet sans que Washington ne donne l'impression de travailler en free-lance pour la théocratie iranienne.

Lors des dernières élections présidentielles américaines, la presse iranienne avait noté, non sans humour, que le nom du candidat démocrate est un homophone de «O-bâ-mâ» qui, en persan, signifie: «Lui avec nous». Les événements récents semblent aujourd'hui donner substance à ce douteux calembour. Pas un jour ne s'écoule en effet sans que Washington ne donne l'impression de travailler en free-lance pour la théocratie iranienne.

D'aucuns pourraient dire que ce n'est pas tout à fait nouveau. L'administration précédente avait, il est vrai, déjà rendu de fiers services à l'Iran en chassant Saddam Hussein et les talibans, deux des principaux ennemis de la république islamique. En faisant sauter ces deux verrous, les Américains avaient involontairement libéré le djinn iranien lui permettant d'étendre son influence et de s'implanter en Irak et en Afghanistan.

Désormais, Bagdad prend directement ses ordres auprès de l'ayatollah Khamenei tandis que le président Karzaï n'a plus de complexe à accepter les valises bourrées de billets de banque du grand frère iranien. L'Iran est désormais vu comme la superpuissance régionale et les spécialistes parlent de plus en plus de Pax Iranica pour décrire la nouvelle configuration de force au Moyen-Orient. Téhéran en rêvait, Washington l'a fait.

Au moins pouvait-on se dire que la malencontreuse courte échelle de l'administration Bush au régime des mollahs procédait d'un acte inconscient. Les coups de main répétés de l'administration Obama ressemblent, quant à eux, de moins en moins à des étourderies tant ils sont systématiques et coordonnés avec la politique iranienne. Le phénomène s'observe d'un bout à l'autre du monde musulman.

D'abord dans la péninsule arabique où les Américains ont vite fait d'abandonner le président Saleh pourfendeur de la rébellion chiite soutenue par les Gardiens de la révolution iranienne. Dans le Golfe, Téhéran et Washington s'opposent en choeur à la répression de la révolte chiite par le roi du Bahreïn. Rêvant de voir la petite royauté devenir la «14e province d'Iran», Mahmoud Ahmadinejad qualifie le déploiement de l'armée du bouclier d'«injustifiable et d'irréparable». Lui faisant écho, la secrétaire d'État américaine qualifie la réaction anti-chiite de «pas dans la mauvaise direction». L'amour, c'est regarder dans la même direction, avait dit Antoine de Saint-Exupéry...

Alors que partout ailleurs Washington et Téhéran joignent leurs voix pour condamner la brutalité des dictatures, en Syrie, la répression violente des mouvements pro-démocratiques par le régime alaouite, fidèle vassal de Téhéran, ne rencontre qu'une condamnation très molle de la part de la Maison-Blanche. Au Liban, les Américains joignent le geste à la parole: Hillary Clinton défendait récemment devant le Sénat la nécessité de maintenir l'aide financière à l'armée libanaise même si celle-ci finit le plus souvent dans les caisses du Hezbollah, fidèle proxy de la république islamique. Plus au sud, les Israéliens, encerclés par les amis du régime iranien, se sentent de plus en plus abandonnés par les États-Unis.

Même pas de deux en Afrique du Nord et, là encore, la musique semble orchestrée par le Guide suprême. Après le tonitruant discours du Caire d'Obama qui avait fait le lit au «printemps arabe» de 2011 et dont s'étaient félicités les dirigeants iraniens, les Américains n'ont pas versé une larme au moment du départ d'Hosni Moubarak, leur serviteur de plus de 40 ans et l'un des plus farouches ennemis de la république islamique. Le curieux numéro de duettistes s'observe jusqu'en Libye où Iraniens comme Américains supportent les rebelles sans apporter leur (vrai) soutien à l'intervention militaire. En lâchant les uns après les autres leurs alliés d'hier, les Américains semblent décidés à donner raison aux Iraniens qui répètent depuis plus de 30 ans que les Occidentaux ne sont pas dignes de confiance.

En inaugurant sa politique de la main tendue aux mollahs, Obama ne s'imaginait sans doute pas qu'ils allaient la refuser... pour mieux pouvoir lui faire les poches. Déjà, au milieu des années 2000, certains iranologues, comme Vali Nasr, s'étaient aventurés à esquisser le scénario d'un rapprochement entre «le grand Satan» et le chef de file de «l'axe du mal». Force est de constater que ce mariage contre nature ressemble de moins en moins à de la science-fiction.