Michael Ignatieff compte sur la campagne électorale pour faire basculer les choses en sa faveur quand les électeurs se seront enfin réveillés et auront commencé à s'y intéresser. Le problème, c'est qu'il n'est pas facile de sortir du lit les endormis.

Michael Ignatieff compte sur la campagne électorale pour faire basculer les choses en sa faveur quand les électeurs se seront enfin réveillés et auront commencé à s'y intéresser. Le problème, c'est qu'il n'est pas facile de sortir du lit les endormis.

La campagne électorale ne dure pas réellement cinq semaines, mais plutôt trois. Pendant les deux premières semaines, les chefs des partis dévoilent leur plateforme, vérifient la réception de leur message et sortent leurs premières pubs télé.

Puis, vers le milieu de la campagne, les électeurs se frottent les yeux et commencent à s'intéresser à ce qui se passe. Mais les libéraux ne peuvent se permettre d'attendre aussi longtemps.

Les sondages quotidiens faits pour le Globe and Mail par Nanos Research montrent une timide remontée des libéraux, mais aux dépens du NPD et non des conservateurs. Ces chiffres sont toutefois très préliminaires et devraient être considérés avec une grande prudence.

En fin de compte, il ne reste plus que quatre des cinq semaines de campagne électorale, et pas grand-chose n'a bougé. Tout ce qui s'est réellement passé, c'est que les possibilités de revirement ont diminué.

La vérité, c'est que M. Ignatieff est en retard dans les sondages, en retard pour ce qui est du financement du parti et de l'organisation. Il est faible au Québec, si on exclut la forteresse montréalaise, et même là, il y a des insurgés. Il doit se préparer à perdre des sièges dans la communauté urbaine de Toronto, à Vancouver et dans les provinces atlantiques. Et les sondages semblent montrer que son message n'atteint pas sa cible.

Cela ne signifie pas qu'il n'a aucune chance de gagner. Mais pour qu'il gagne, il faudrait qu'un gros événement se produise. Que le chef conservateur Stephen Harper dise ou fasse quelque chose de complètement idiot. Que les médias dévoilent un scandale vraiment choquant.

En ce moment, ce qu'il faut à M. Ignatieff, c'est une bonne calamité. C'est sa seule chance de voir la tendance se renverser.

Les nouvelles ne sont pas toutes mauvaises pour les libéraux. Leur campagne électorale se passe sans accrocs, de façon efficace et professionnelle, ce qu'on ne pouvait dire de celle de 2008. Même le chef semble avoir de la facilité à transmettre son message, ce qui représente une grosse amélioration.

Les médias accordent suffisamment d'attention au dévoilement des politiques sur les bourses universitaires, l'augmentation de la pension de vieillesse, les garderies. Et les discussions autour de l'idée de tenir un débat « un contre un » entre M. Ignatieff et M. Harper ont été positives pour les deux hommes, car elles ont eu pour effet de marginaliser les autres chefs de parti.

Par-dessus tout, les querelles internes du parti sont beaucoup moins présentes. Au moment de former son équipe, M. Ignatieff a pris soin de choisir des partisans du camp de Paul Martin et de celui de Jean Chrétien. Et il a donné à Bob Rae, considéré par certains comme son rival, un rôle de premier plan en tant que porte-parole du parti.

Il y a des limites à ce que les libéraux peuvent faire pour promouvoir leur cause, mais au moins, ils n'ont rien gâché.

Le plus important reste encore à venir : les débats des chefs, les semaines de saturation en publicité télé. Plus important encore, les endormis vont, devraient finir par se réveiller. Et on ne peut prédire ce qui se produira alors.

Entretemps, tout ce que peut faire M. Ignatieff, c'est de continuer comme il a commencé: faire une bonne campagne, transmettre son message et prier pour que les conservateurs commencent à faire des gaffes.

Parce que, au bout du compte, la seule personne qui peut faire en sorte que M. Ignatieff devienne premier ministre, c'est M. Harper. Et ça, les deux hommes le savent.