Comme la manière de penser d'un chef de parti autoritaire augure de la façon dont son parti gouvernerait s'il était élu majoritaire, il convient, en cette période électorale, de tenter de mettre au jour ce qui se passe dans la tête du premier ministre sortant, Stephen Harper.

Comme la manière de penser d'un chef de parti autoritaire augure de la façon dont son parti gouvernerait s'il était élu majoritaire, il convient, en cette période électorale, de tenter de mettre au jour ce qui se passe dans la tête du premier ministre sortant, Stephen Harper.

La pensée politique de M. Harper relève, à mon sens, d'une pensée de l'essence humaine incompatible autant avec les données de la science qu'avec les faits divers. D'abord, cela est particulièrement apparent du côté de la position du chef conservateur sur le registre des armes à feu, quand il clame sur les tribunes que l'honnête citoyen propriétaire d'armes d'épaule ne saurait constituer une grave menace pour la société et sa sécurité, et donc qu'il vaut mieux abolir le registre des armes à feu. Cette façon de voir les choses sous-entend le raisonnement suivant : si vous êtes un bon citoyen, c'est que vous êtes de l'essence des bons citoyens, et si vous êtes un criminel, c'est que vous êtes de l'essence des criminels.

Autrement dit, selon lui, il est dans votre nature d'être soit bon citoyen, soit criminel. D'où, si vous êtes un criminel, il est vain de chercher à vous réhabiliter ; on ne peut que vous punir et vous laisser croupir en prison le plus longtemps possible. De même, si vous êtes un bon citoyen, vous ne pouvez représenter un danger pour la société, même si vous possédez une arme à feu. Contrairement au criminel, vous ne pouvez faire qu'un bon usage des armes à feu...

On ne sera donc pas surpris de constater que, en matière de lutte contre la criminalité, la pensée de M. Harper suit la même logique : il suffit tout simplement de sévir contre les criminels, sans se soucier de ce qui rend possibles les crimes. La possession d'armes n'a pas à être mise en cause ici. Ce sont les êtres humains et leur seule nature qui sont la cause première et dernière de la perpétration ou non des crimes. Il n'y a pas de causes indirectes aux désordres sociaux.

Ainsi, non seulement dans la pensée de M. Harper il n'y a pas de place pour l'influence des conditions sociales comme la pauvreté, il semble inconcevable que momentanément, sous l'effet de la rage, de la frustration, de la dépression, du découragement ou de la détresse psychologique, le bon citoyen retourne son arme contre son voisin innocent, contre ses proches ou même contre lui-même.

Or, une telle façon de penser est contraire à tout ce que nous enseignent la psychologie, la criminologie, la sociologie, l'anthropologie et les sciences cognitives. Sans parler que c'est aussi contraire à ce que rapporte la chronique judiciaire, année après année.

Si on examine cette fois la position de M. Harper face au réchauffement planétaire, on y retrouve la même logique de pensée et le même déni des sciences : c'est parce qu'il conçoit la nature humaine en vase clos qu'il est convaincu que les actions humaines ne peuvent avoir d'effet sur le climat de la planète.

Une telle attitude est pour le moins étonnante de la part de l'économiste qu'est M. Harper : tout bon économiste sait qu'on ne peut comprendre et analyser le monde, et surtout une société, sans l'aide de plusieurs variables interdépendantes. Or, il semble que, pour lui, la solution aux grands problèmes que pose l'organisation d'une société ne dépend que d'une seule variable : la nature humaine. Le reste n'en dépend pas (comme le climat), et elle-même ne dépend pas du reste (comme les conditions sociales).

C'est une bien drôle de variable finalement, mais qui ne saurait servir de base à un programme de parti éclairé, et encore moins de base à l'exercice du pouvoir dans un État libre et démocratique.