À l'automne 2008, le premier ministre Stephen Harper souhaitait punir plus sévèrement les adolescents et, au besoin, leur infliger de lourdes peines. De son propre aveu, le chef conservateur se fie à «monsieur et madame Tout-le-monde plutôt qu'aux experts pour déterminer ses politiques, notamment en matière de criminalité». Depuis lors, le gouvernement fédéral multiplie tous azimuts les projets de loi à teneur répressive.

À l'automne 2008, le premier ministre Stephen Harper souhaitait punir plus sévèrement les adolescents et, au besoin, leur infliger de lourdes peines. De son propre aveu, le chef conservateur se fie à «monsieur et madame Tout-le-monde plutôt qu'aux experts pour déterminer ses politiques, notamment en matière de criminalité». Depuis lors, le gouvernement fédéral multiplie tous azimuts les projets de loi à teneur répressive.

Signe des temps, le dernier rapport de Statistique Canada confirme une baisse constante de la criminalité au pays depuis plus d'une décennie. Qu'à cela ne tienne, le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu s'est étranglé d'indignation en accusant «quelqu'un, quelque part» de «manipuler les chiffres». Ouf!

Manichéen, le gouvernement Harper répète sans cesse qu'il supporte les victimes contre les criminels. À l'occasion des aléas de l'actualité, les conservateurs utilisent la loi comme message politique. Bref, ils font du populisme sécuritaire.

Selon l'approche américaine classique du contrôle de la criminalité, la justice est vue comme une chaine de montage: la police, la poursuite et les victimes sont les principaux maillons. Corollaire de cette perspective utilitaire, l'équité procédurale devient périphérique et secondaire. Dans un processus programmé pour transformer un suspect en condamné, même garantis par la Constitution, les droits de la défense deviennent des obstacles qu'il convient de ramollir.

Récemment, aux États-Unis, deux personnalités du Parti républicain, Newt Gingrich et Pat Nolan, ont lancé un cri d'alarme visant la réforme du système carcéral américain. Joignant leur voix à celles de plusieurs responsables du modèle américain, ils constatent un fiasco. Une campagne nationale, non partisane (Right on Crime Campaign), a cours présentement afin d'améliorer l'administration de la justice. Inquiets du gâchis actuel, des grandes pointures républicaines battent publiquement leur coulpe.

La société américaine est confrontée à une réalité troublante. En 2010, une somme colossale (68 milliards) a été investie dans la gouvernance des prisons, soit une hausse de 300% en 25 ans. La population carcérale augmente 13 fois plus vite que celle du pays. Par conséquent, un urgent besoin de juguler la croissance démesurée de la population carcérale préoccupe vivement une bonne part de la droite américaine.

Le système américain de justice pénale est en panne, fait-on valoir. La moitié des détenus reprennent le chemin du bagne dans les trois ans de leur libération. Les penseurs conservateurs ont la responsabilité d'agir efficacement, sans pour autant négliger la sécurité des citoyens, d'écrire Gingrich et Nolan. Ils concluent que la crise budgétaire actuelle oblige les élus et les gestionnaires gouvernementaux à recourir aux moyens alternatifs de punition et de contrôle des délinquants non violents. Confrontés à la dure réalité des déficits budgétaires, plusieurs États préconisent une nouvelle approche en matière de justice pénale.

Récemment, le gouvernement de coalition du Royaume-Uni a déposé un livre vert proposant une mise à plat de la pénologie. Le secrétaire d'État à la justice, Kenneth Clarke, reconnaît l'échec de la politique d'enfermement. À son avis, l'absence de volonté politique d'entamer une véritable réforme axée sur la réhabilitation contribue à l'actuelle spirale de la criminalité.   

Sous réserve que la protection du public soit sauvegardée, le gouvernement britannique propose de mettre à contribution le ministère de la Santé afin que les contrevenants atteints de déficience mentale ou affligés de toxicomanie soient traités hors prison. Pour les autres délinquants, Kenneth Clarke favorise les courtes peines.

Nos politiciens seraient bien avisés de feuilleter le livre vert britannique. On y propose une brisure avec la coûteuse politique de l'enfermement à tout vent. Curieusement, au Canada, les conservateurs nous proposent une approche sécuritaire démodée, aussi coûteuse qu'inefficace. Il incombe aux électeurs de les rappeler à l'ordre.