Des sondages confirment que le NPD séduit de plus en plus de Québécois. Des citoyens, optant habituellement pour le PLC ou le Bloc, voteraient autrement cette fois-ci. La bonne performance du chef néo-démocrate aux débats, ainsi que son charisme et son habileté politique expliquent en grande partie l'intérêt que suscite ce parti au Québec.

Des sondages confirment que le NPD séduit de plus en plus de Québécois. Des citoyens, optant habituellement pour le PLC ou le Bloc, voteraient autrement cette fois-ci. La bonne performance du chef néo-démocrate aux débats, ainsi que son charisme et son habileté politique expliquent en grande partie l'intérêt que suscite ce parti au Québec.

Combien de Québécois voteront, non pas pour le NPD mais pour Jack Layton? Mais une autre raison, plus profonde et, à mes yeux, plus déconcertante, explique l'intérêt des nationalistes québécois pour ce parti.

Il n'est plus rare de voir des souverainistes mous comme des nationalistes hésitants joindre leur voix à celle des fédéralistes qui clament haut et fort qu'il est temps pour les Québécois d'investir pleinement la scène fédérale en joignant les rangs des partis fédéralistes ou en votant pour eux. Le moment serait venu de participer, main dans la main avec le ROC, à l'exercice du pouvoir afin d'accéder - enfin - à tous les leviers politiques ayant une incidence sur la vie des Québécois.

Je me souviens d'une discussion avec un brillant étudiant, ancien souverainiste, qui parlait, les yeux pétillants, du jour où les Québécois «envahiraient» de nouveau les partis pancanadiens afin de faire entendre véritablement notre voix, de défendre nos intérêts et de collaborer avec nos concitoyens des autres provinces pour construire un pays vert, juste et prospère. Pour lui comme pour bien des gens actuellement, la logique de l'opposition ne mène à rien.

Ce que je déplore dans cette attitude, c'est l'aveuglement, la naïveté ou, pis, l'ignorance dont font preuve ces personnes. Une analyse rapide de la vie politique canadienne des 30 dernières années montre en effet l'impossibilité pour les partis fédéralistes de donner suite aux demandes légitimes du Québec. N'y a-t-il pas eu plus grande conquête du pouvoir fédéral par les Québécois que lors de l'élection fédérale de 1980 où le Québec envoya 74 députés libéraux (sur 75) à la Chambre des communes? Cela n'empêcha pas ce parti de rapatrier la Constitution contre l'accord du Québec. En outre, jusqu'à l'élection des conservateurs en 2006, le Canada fut dirigé pendant plus de deux décennies par des Québécois.

Peu importe que le parti au pouvoir soit conquis par des Québécois ou non, le résultat reste le même: le Québec est perdant presque chaque fois. Songeons au refus catégorique de donner suite aux revendications du Québec pour qu'il signe enfin la Constitution, à la loi sur la clarté qui diminue le pouvoir d'autodétermination des Québécois, au refus de compenser le Québec pour l'harmonisation des taxes de vente alors que les autres provinces l'ont déjà été, à la défense des intérêts canadiens ou partisans avant ceux du Québec comme en témoigne la garantie de prêt de 4,2 milliards promise par le PCC, le PLC et le NPD à Terre-Neuve, aux fins de non-recevoir adressées par Ottawa aux gouvernements québécois, souverainistes comme fédéralistes, pour nombre de leurs requêtes, etc.

Quand on ajoute à cela la diminution du poids démographique du Québec au sein de la fédération et la montée du pouvoir économique de l'Ouest liée à l'exploitation des hydrocarbures et au commerce avec l'Asie, lesquelles se traduisent par une influence politique accrue pour cette partie du Canada, on ne peut, si l'on veut demeurer réaliste, concevoir qu'il sera possible pour les Québécois de jouer sans compromission un rôle majeur au sein d'un quelconque parti fédéraliste. Et ce, même s'ils souhaitent coopérer. Collaborer signifie être entendus des autres, agir d'égal à égal, faire des compromis, mais aussi voir les autres en faire pour nous. Or, les concessions et les efforts sont généralement au Canada le lot d'une seule des deux parties.

Après les deux défaites référendaires, des nationalistes québécois, dont une large part sont progressistes, semblent tentés de délaisser le rêve d'un pays qui serait le leur pour un autre rêve, encore plus irréaliste que le premier: celui d'un véritable rôle pour les Québécois dans les partis dominés par les Canadiens anglais, et par suite d'un «grand jour» où, grâce à notre bonne volonté, le Québec serait reconnu pour ce qu'il est au sein du Canada. L'intérêt actuel des Québécois pour le NPD, parti centralisateur s'il en est, traduit à merveille ce côté rêveur d'une nation qui se veut vertueuse - ou qui est simplement désemparée face à l'indifférence et, parfois, le mépris dont fait montre le ROC à son endroit.

Voter pour le Bloc, c'est, il est vrai, s'exclure de l'activité gouvernementale canadienne. Mais c'est peut-être aussi, à défaut d'avoir le courage de nous donner un pays, le seul moyen qu'il nous reste de nous présenter tel que nous sommes sur la scène fédérale. Le fait que le Bloc ait appuyé, contrairement aux autres partis, tous les points ayant fait consensus à l'Assemblée nationale le prouve.