J'ai honte, la honte me réveille la nuit. Il est 2h du matin et j'ai perdu le sommeil, hantée par les images de la rivière La Romaine. Depuis que j'ai visionné le documentaire Chercher le courant présenté à la télévision de Radio-Canada, je suis assaillie par la honte de voir détruire ce site d'une beauté naturelle digne d'être classée au Patrimoine mondial ou digne à tout le moins, d'être transformée en parc national.    

Je sais, les travaux de harnachement ont déjà commencé et c'est ça qui m'empêche de dormir.  Je me dis qu'il n'est peut-être pas trop tard pour décider ensemble de sauver cette rivière qui va disparaître sous des barrages de béton, si on reste impassible. Mais comment obtenir de vous, M. le premier ministre, que vous déclariez un moratoire sur la construction de ces barrages qui vont défigurer à tout jamais la rivière La Romaine?

L'inutilité de ces barrages au coût de 8-10 milliards de dollars est un scandale que le film démontre noir sur blanc : le gouvernement a leurré la population en nous faisant croire que ces barrages étaient une nécessité pour répondre à des besoins futurs de consommation d'énergie. Mais c'est faux...

Ces barrages ne vont nullement nous aider à diminuer notre consommation d'énergie hydroélectrique et encore moins nous apprendre à utiliser les énergies de l'avenir, non polluantes, renouvelables et sans GES. Qui peut dire que les barrages hydroélectriques sont non polluants quand on pense aux milliers de tonnes de béton déversées dans la nature sur un site de toute beauté?

Le film nous montre bien comment on a tué dans l'oeuf de possibles développements de ces énergies vertes pour ne pas nuire aux projets des dirigeants d'Hydro-Québec et de leurs alliés, les grosses compagnies de béton.

Le béton... il faut prendre le temps d'imaginer  les milliers de tonnes de béton qui seront déversées sur un site naturel d'une beauté sauvage à couper le souffle. Dans quelles années, quand on aura enfin mis à la disposition de la population des alternatives à l'énergie hydroélectrique et que les barrages ne seront plus nécessaires, qui  va aller remettre la rivière La Romaine  à son état naturel et à quel prix?

À Québec, on a réalisé qu'on avait fait une erreur  magistrale en bétonnant les rives de la rivière Saint-Charles il y a plus de 20 ans. Aujourd'hui, ça nous coûte très, très cher pour réparer cette erreur, sans parler du courage politique de notre maire de l'époque,  M. L'Allier, qui avec son approche visionnaire a mis de l'avant ce projet réparateur et novateur. Aujourd'hui, le résultat fait la fierté de gens de Québec. La rivière Saint-Charles  n'a pas l'envergure de La Romaine bien que les enjeux se confondent mais à l'échelle 1010. Si les coûts sont exorbitants uniquement pour la rivière Saint-Charles, on ne peut même pas imaginer ce que ça coûterait pour remettre à la nature une rivière sur laquelle se trouvent quatre barrages immenses. C'est pourquoi il faut cesser l'exploitation de cette rivière dès aujourd'hui pour laisser ce site naturel à nos enfants, aux générations qui viennent après nous. Une fois qu'elle sera bétonnée, elle sera perdue à jamais.

Comprenez-moi bien, je ne suis pas contre le progrès, mais je suis contre la bêtise humaine. L'hydroélectricité est une solution énergétique du passé. C'était une solution acceptable il y a 30 ou 40 ans mais cette solution  ne doit plus s'appliquer aujourd'hui. Le gouvernement nous a proposé une solution du passé pour un problème futur, car c'est pour répondre à des besoins énergétiques probables dans 10 ans qu'on veut construire ce barrage sur La Romaine.

Soyons créatifs et cherchons dans des moyens d'avenir  des solutions à des problèmes immédiats et futurs.  Il faut  réunir tous les groupes de recherche de  pointe dans le domaine des énergies du futur  dont l'énergie éolienne et solaire pour qu'ensemble ils proposent des solutions efficaces et vertes. Le film est éloquent à ce sujet : aujourd'hui même, il existe des solutions  alternatives non polluantes pour obtenir des résultats plus efficaces que les barrages hydroélectriques sur la rivière La Romaine. De plus, on nous apprend que même les États-Unis ne sont pas intéressés à  acheter notre énergie hydroélectrique. Ils reconnaissent  que ce n'est plus une énergie verte.

Il faut décréter un moratoire sur cette erreur magistrale qu'est le bétonnage de La Romaine.

Résidante de Québec, l'auteure adresse sa lettre ouverte au premier ministre Jean Charest.