Historiquement, le vote bloquiste se composait d'électeurs souverainistes et nationalistes.

Historiquement, le vote bloquiste se composait d'électeurs souverainistes et nationalistes.

L'apport des uns et des autres à l'élection de candidats bloquistes dépendait de deux conditions: la perspective d'une accession du Québec à la souveraineté dans un horizon de court ou de moyen terme, seule capable de mobiliser le vote souverainiste au niveau fédéral ; et l'existence d'un conflit constitutionnel manifeste entre le Québec et le Canada, justifiant l'appui de nationalistes québécois non souverainistes au Bloc québécois.

La première condition n'existe plus, au moins depuis la fin du gouvernement Landry (sinon depuis l'échec référendaire et le départ de Jacques Parizeau), puisque la souveraineté n'est plus un enjeu réel sur la scène politique québécoise, étant donné que le Parti québécois a renoncé, de facto, à porter ce projet et à en faire son combat quotidien.

La deuxième condition a également disparu puisque s'il y a toujours conflit constitutionnel, de manifeste il est devenu larvé, notamment parce que le Parti québécois a déserté ce terrain de luttes.

En l'absence de ces conditions, le vote bloquiste a perdu graduellement son sens, ne pouvait que s'étioler et décliner, ce qui fut son lot depuis 2003. Le déclin eût été encore plus prononcé en 2006 et en 2008 sans ces bouées de sauvetage qu'ont constituées pour le Bloc québécois, en 2006, le scandale des commandites et, en 2008, les errements culturels du gouvernement Harper.

La disparition de ces deux conditions, ou du moins leur dilution, a libéré au profit du NPD deux types de votes québécois: le vote progressiste libéral (surtout anglophone), qui, exorcisé de sa grande trouille d'un Québec indépendant, peut dorénavant donner libre cours à un penchant socialement naturel ; le vote social-démocrate souverainiste qui, sans projet souverainiste crédible à l'horizon, cherche à retrouver voie et voix utiles.

Dorénavant, en voie d'agglutination au NPD, le vote social-démocrate anglophone et le vote social-démocrate souverainiste recréent, d'une certaine façon, ce que fut durant la décennie 80 le Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM), soit une coalition de progressistes francophones et anglophones laquelle, un temps, a fécondé efficacement la vie politique montréalaise.

Le score qu'obtiendra le NPD au Québec (mais aussi au Canada) le 2 mai constituera un véritable tremblement de terre dans les tréfonds de la scène politique québécoise, non seulement parce qu'il aura pour effet de réintégrer de façon inusitée le Québec dans le jeu politique fédéral, mais aussi parce qu'il modifiera le potentiel de reconversion des forces politiques à l'Assemblée nationale, à la fois parce que cela créera une brèche béante pour Québec solidaire (qu'il lui restera à exploiter...), mais aussi parce qu'il forcera le Parti québécois à réfléchir sérieusement sur ce qu'il est devenu et, surtout, sur ce qu'il veut devenir.

Le 2 mai, moi, vieux militant indépendantiste, je voterai pour le NPD, seul geste électoral qui, dans les circonstances, m'apparaît capable de créer une nouvelle dynamique et une nouvelle donne politiques au Québec, dans un Québec qui en a grandement besoin.

Le vote NPD met en place un laboratoire politique riche de nouvelles expériences, aux dénouements imprévisibles, certes, mais capable de créer un bouillon de culture politique propre à commencer à débloquer l'avenir.