Il existe deux règles irréfutables dans la politique électorale canadienne: une vieille règle et une nouvelle. Et les libéraux n'ont compris ni l'une ni l'autre.

Il existe deux règles irréfutables dans la politique électorale canadienne: une vieille règle et une nouvelle. Et les libéraux n'ont compris ni l'une ni l'autre.

L'ancienne règle, c'est que les partis doivent posséder une base régionale solide... quelque part.

Les conservateurs ont une base solide dans l'Ouest canadien. Il est à peu près inconcevable qu'ils perdent l'Alberta dans un proche avenir.

Le Québec s'est tourné de façon importante vers le NPD, qui est un choix fédéraliste naturel pour bon nombre de Québécois progressistes. Il n'y a pas à douter que le NPD saura défendre sa base au Québec étant donné que son caucus québécois est plus important que le reste de sa délégation.

Les libéraux, quant à eux, n'ont plus de véritable base régionale. Ils ont perdu l'Ouest canadien dans les années 70 et le Québec francophone dans les années 80 et 90. Ils viennent maintenant de perdre leur base parmi les Néo-Canadiens des banlieues de Vancouver et de Toronto.

Les libéraux ont réussi à perdre contact avec l'Ontario et avec les centres urbains du pays. La transformation du paysage québécois, qui a revêtu les couleurs du NPD, est renversante. L'incapacité des libéraux à reconnaître qu'il leur fallait soutenir l'Ontario, au lieu de nier leurs racines ontariennes, est tout aussi étonnante.

Depuis plus d'une décennie, les libéraux se demandent: «Comment pouvons-nous établir un contact avec l'Ouest canadien? Comment pouvons-nous nous relever au Québec?» Pendant ce temps, ils ont considéré leur base en Ontario comme acquise et, aujourd'hui, ils ne possèdent plus de base sur laquelle construire.

Il existe désormais une deuxième règle, plus récente. Le Canada est devenu un pays populiste, alors que les libéraux sont un parti tourné vers l'élite. Le succès des conservateurs comme celui du NPD est le résultat de leurs messages populistes et simples de gauche ou de droite. Les libéraux sont fiers de leur traditionnelle capacité à négocier les grandes questions nationales avec des membres de l'élite.

Cependant, cette culture est aujourd'hui disparue au Canada. On ne sait pas vraiment ce que les libéraux ont à offrir aux Ontariens et aux Québécois dans un monde où les électeurs ne sont plus intéressés par les questions d'unité nationale.

Le Canada hors Québec est rendu ailleurs. Les gens n'y ont plus aucun intérêt pour les questions constitutionnelles. Les Canadiens hors Québec ne voient pas le Canada comme un pays fragile. Ils sont prêts pour de véritables débats sur la taille de l'État et les valeurs sociales, des débats normaux au sein de démocraties matures.

Les Québécois ont-ils la même vision des choses? La lourde défaite des libéraux fédéraux et du Bloc québécois porte à croire qu'ils répudient les batailles autour de l'unité nationale qui ont caractérisé le Canada pendant une quarantaine d'années. Ces deux partis sont les héritiers des luttes constitutionnelles entre Trudeau et Lévesque, luttes qui n'intéressent plus les Canadiens.

Tous les Canadiens hors Québec - quelle que soit leur orientation partisane - espèrent que le vote néo-démocrate des Québécois constitue un engagement à reprendre position sur les questions canadiennes et à permettre la création d'une solution de rechange de centre gauche crédible aux conservateurs.

Le nouveau NPD, avec sa base québécoise, et les conservateurs trouveront un terrain d'entente dans leur méfiance envers le gouvernement fédéral. Le Canada de demain devrait plaire aux Québécois et aux Canadiens de l'Ouest.

Ce sera une fédération décentralisée dans laquelle le gouvernement fédéral redistribuera certains fonds via le système fiscal et les transferts fédéraux, et qui se désengagera de la mise en oeuvre des programmes. Le statut national du Québec au sein du Canada a été reconnu par la Chambre des communes et fait partie intégrante de la façon dont le Canada fonctionne au quotidien.

L'Ontario ne se battra plus contre la décentralisation. Les Canadiens hors Québec ont fini par trouver une vision du pays qui fonctionne. Ce pays devrait pouvoir charmer une majorité de Québécois.

* L'auteur est directeur du Mowat Center on Policy Innovation, à l'Université de Toronto.