Je reviens sur les résultats aberrants des dernières élections fédérales. Il est facile a posteriori d'interpréter les résultats et d'affirmer que les électeurs du Québec ont choisi le changement et le renouvellement de la classe politique. Je ne crois pas à la sagesse collective qui s'exprimerait par le vote, ni à la fraicheur des néophytes. Le changement constaté est trop impulsif pour être réfléchis, trop soudain pour être durable.

Je reviens sur les résultats aberrants des dernières élections fédérales. Il est facile a posteriori d'interpréter les résultats et d'affirmer que les électeurs du Québec ont choisi le changement et le renouvellement de la classe politique. Je ne crois pas à la sagesse collective qui s'exprimerait par le vote, ni à la fraicheur des néophytes. Le changement constaté est trop impulsif pour être réfléchis, trop soudain pour être durable.

J'ai reconnu au cours de la campagne les appels aux «masses» que l'on associe au populisme. Trois ingrédients familiers étaient réunis : un appel émotif au changement, un chef qui personnalise le message et un contrôle serré sur sa diffusion.

Le discours du populisme peut-être autant réactionnaire que progressif, il est néo-démocrate comme conservateur. En comparaison, le Bloc et le Parti libéral apparaissent décalés avec leur approche classique qui fait appel à l'argumentation, à la stratégie et à la raison.

Conservateurs et néo-démocrates se répondent. Harper et Layton s'entendent pour surtout ne rien dire. Les programmes sont prévisibles, sans aspérités. Issus de «focus groups» et filtrés par des experts, les documents illustrés des seules photos du chef, ne font, comme l'écrit Raffaele Simone à propos de l'Italie de Berlusconi, que «renvoyer au peuple ses propres humeurs, ses lieux communs et ses préjugés (...), ce que le leader fait, déclare et pense, c'est précisément ce que lui le peuple, fait, déclare et pense!»

À chacun sa clientèle. Les conservateurs jouent sur la peur et proposent de renforcer l'État policier. Les néo-démocrates entonnent l'hymne de la solidarité et de l'État bienfaiteur, du berceau jusqu'à la retraite. Le programme libéral, plus disert, reprend les thèmes convenus en proposant de mieux faire. Partout, il est question de soutenir la famille (laquelle?), comme s'il s'agissait d'une espèce en voie de disparition. La campagne nous a proposé l'immobilisme, promettant santé, sécurité, travail et défense, plus un soupçon d'environnement; rien de nouveau, rien d'actuel.

La psychologie politique, dont les travaux du sociologue Alexandre Dorna, nous aide à comprendre. L'adhésion au discours populiste est une expression du désenchantement, du sentiment d'échec et de désillusion démocratique. C'est une réaction de colère, de méfiance et d'impatience devant l'immobilisme des élites. C'est une manifestation émotive de rejet des institutions.

Le populisme est soutenu par la personnalisation de la politique, elle-même renforcée par la médiatisation des débats. Les études l'ont montré (lire Manuel Castells), ce n'est pas ce qui est publié qui est important, mais ce qui ne l'est pas. Réduire, simplifier, sourire pour éviter les débats, sourire encore pour cacher les incohérences, jusqu'à la crampe. Surtout éviter la nuance; une dangereuse manie d'intellectuel, un signe certain d'arrogance, comme l'a déploré Foglia.

Pour rendre le message digeste, il faut le réduire à la norme Twitter, pas plus de 140 signes. La pensée est formatée. Instruments de la manipulation populiste, les médias de masse ont la capacité à rejoindre instantanément un grand nombre d'inscrits à peu de frais. C'est une erreur de qualifier les nouveaux médias de sociaux, car comme les autres plus traditionnels, ils fonctionnent à sens unique. La distribution entre émetteurs et récepteurs des nouveaux médias et presque aussi concentrée que dans les anciens. Les enquêtes montrent que plus de la moitié des messages sont émis par moins de 5% des abonnés.

Je ne crois pas que 43% des citoyens du Québec soient devenus en trois semaines des fédéralistes sociodémocrates version NPD. Je ne pense pas que le Bloc et l'option souverainiste aient été balayés par un regain d'adhésion au Canada fédéral, ni que les libéraux méritent l'opprobre qui les affligent.

Il n'y a que la séduction qui compte. Dans la bataille des images, il est entendu que Duceppe ne décolère pas, que le sourire de Jack nous éblouit alors qu'Ignatieff ennuie. Au concours de beauté du 2 mai, il n'est donc pas étonnant que Joyeux l'ait emporté sur Prof et Grincheux.

Nous traversons une poussée de fièvre populiste, probablement éphémère, mais symptomatique du rejet du statu quo, insoutenable pour la majorité, et d'une déprime démocratique sérieuse.