L'intégration des enfants ayant des incapacités à la classe ordinaire, j'en suis un pur produit. C'était à la rentrée scolaire de septembre 1978. À 8 ans, j'étais à l'époque un des premiers enfants ayant la paralysie cérébrale fréquentant l'école de son quartier à la CECM (devenu depuis la CSDM).

L'intégration des enfants ayant des incapacités à la classe ordinaire, j'en suis un pur produit. C'était à la rentrée scolaire de septembre 1978. À 8 ans, j'étais à l'époque un des premiers enfants ayant la paralysie cérébrale fréquentant l'école de son quartier à la CECM (devenu depuis la CSDM).

Trente ans plus tard, l'expérience m'a bien servi: mes résultats au primaire et au secondaire ont été dans la moyenne, je n'ai pas décroché et surtout, j'ai aujourd'hui un baccalauréat en science politique.

J'en suis donc pour l'intégration à la classe ordinaire... mais l'observateur attentif des questions liées à la participation sociale des personnes ayant des incapacités que je suis, doute. Je ne crois pas que le Québec emploie les bonnes stratégies en matière d'intégration à la classe ordinaire. Ce n'en est pas une optimale pour qu'une nouvelle génération d'enfants ayant des incapacités réussisse et puisse à terme avoir une participation sociale qui les satisfasse.

Il est impératif de reconnaître que le rôle premier de l'école est d'instruire, bien qu'elle ait également une mission de socialiser. Est-ce donc opportun que la classe ordinaire ne serve, pour certains enfants ayant des incapacités, que de lieu de socialisation? Oh que non! La classe doit demeurer un lieu d'apprentissage. Force est de convenir que tous ne peuvent y aller au même rythme, que des services de support peuvent être nécessaires.

Il faut donc en revenir au modèle de l'intégration en cascade (COPEX, 1976) visant à permettre aux élèves handicapées ou en difficulté de grandir et d'apprendre dans le cadre le plus normal possible. On y propose huit niveaux allant de l'intégration totale à la classe ordinaire à l'enseignement en centre d'accueil. À chaque niveau, on augmente l'encadrement de l'élève afin de mieux répondre à ses besoins.

La place optimale de chaque enfant ayant des incapacités n'est donc pas nécessairement dans la classe ordinaire. C'est à l'endroit où les chances de réussir sont les meilleures et où l'on pourra lui offrir les services optimums.

Il faut penser à l'organisation des services de manière pragmatique. Intégrer un enfant ayant des incapacités peut mobiliser des ressources financières importantes et demander une incroyable gymnastique. Quel avantage a-t-on à disperser 10 orthopédagogues ou éducateurs spécialisés aux quatre coins d'une commission scolaire afin d'accompagner des élèves dans différentes classes? Ne devrait-on pas concentrer ces ressources et les utiliser d'une manière bien plus efficiente?

Si le Québec avait des ressources financières et humaines illimitées, le choix de l'intégration à la classe ordinaire serait facile. Mais, nous n'en sommes plus là. L'éducation est, avec la santé, le poste budgétaire le plus important pour la société québécoise. Et, bien que la relève en enseignement arrive dans nos écoles, elle n'est pas inépuisable. Il faut donc faire des choix difficiles et malheureusement opter pour mettre ces ressources aux bons endroits.

Il faut donc, pour que l'équation entre réussite et service optimum se réalise, concentrer les ressources là où les enfants ayant des incapacités auront les meilleures chances de réussir. Est-ce en classe ordinaire? Est-ce en classe spéciale, selon ses différentes déclinaisons? Cela dépendra irrémédiablement des aptitudes et surtout des besoins de chaque élève.  

Soyons résolument pour le retour d'une certaine forme de classe spéciale. Certes, nous savons que celles-ci ont, dans les décennies passées, soufferts de forts préjugés : exigences bien moins élevées et des voies sans issue. Personne ne veut un retour à cela. Prônons une classe spéciale performante où l'on pourra y concentrer le maximum de ressources afin que les élèves ayant des incapacités qui ne peuvent franchir la porte de la classe ordinaire réussissent. Ceci en ayant les ressources les plus appropriées pour diagnostiquer au bon moment les difficultés, pour donner les services de soutien et prévoir la transition vers la vie active.  

La réussite passe par du pragmatisme et il va bien au-delà des idéologies!