Les résultats des récentes élections offrent aux parlementaires fédéraux une occasion historique. Nous pressons les élus du 2 mai de saisir cette occasion.

Les résultats des récentes élections offrent aux parlementaires fédéraux une occasion historique. Nous pressons les élus du 2 mai de saisir cette occasion.

Pour la première fois depuis 1993, les Québécois ont élu une forte majorité de députés issus de partis fédéralistes. Nul ne peut prétendre qu'il s'agit d'une victoire du fédéralisme; la question nationale ne fut pas au coeur de la campagne. Ce n'est pas non plus «la dernière chance du fédéralisme»; la fédération canadienne n'a pas cessé d'évoluer depuis sa création en 1867, notamment sous l'impulsion des Québécois, et il en sera ainsi dans l'avenir.

Pourtant, quelque chose a bel et bien changé. Depuis une vingtaine d'années, les élus du Bloc québécois soutenaient que les intérêts du Québec et ceux du reste du Canada étaient irréconciliables, que la recherche de compromis entre les diverses régions du Canada aboutissait nécessairement à des solutions néfastes pour le Québec. Malgré cet argumentaire, le 2 mai, les trois quarts des Québécois ont fait confiance à des partis pancanadiens. Aujourd'hui, le gouvernement de M. Harper, l'opposition officielle formée par le NPD et les députés des autres formations sont en position de montrer que ces électeurs ont bien fait, que les Québécois ont avantage à reprendre leur place au sein des institutions canadiennes. Par leurs prises de position et leurs discours, les élus peuvent démontrer que les intérêts et les valeurs des Québécois sont souvent identiques à ceux des autres Canadiens et que lorsque ça n'est pas le cas, le modèle fédéral permet de forger des compromis mutuellement avantageux.

Le Québec ayant élu seulement cinq députés conservateurs, la province est relativement peu représentée au sein du Cabinet. Cependant, M. Harper a promis de gouverner pour tous les Canadiens. Le premier ministre devra être à l'écoute des Québécois, qui s'exprimeront notamment par la voix des nombreux députés néo-démocrates de la province. Former un gouvernement majoritaire confère des avantages mais impose aussi des devoirs, dont celui de rassembler les Canadiens.

Les députés québécois de l'opposition officielle portent eux aussi une responsabilité particulière. Les électeurs du Québec leur ont confié la tâche de défendre leurs intérêts à Ottawa. Cependant, puisqu'ils sont issus d'un parti qui croit au Canada, ces élus ne pourront pas se comporter comme leurs prédécesseurs. La pression sera forte pour qu'ils adoptent des positions prenant en compte le seul point de vue du Québec tel que défini par les indépendantistes. Chaque jour, on mettra en doute leur fidélité à la nation québécoise. Les néo-démocrates devront faire fi de ces critiques et garder le cap. Défendre le Québec, oui, mais en prenant en considération les vues des autres Canadiens et les responsabilités que nous avons comme partenaires de la fédération. Il leur faudra travailler à résoudre les différends par le dialogue plutôt que par la menace.

Les résultats du 2 mai imposent également un devoir aux parlementaires des autres provinces. Ceux-ci doivent renouer le dialogue avec leurs homologues québécois. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis l'échec des négociations constitutionnelles il y a 20 ans. Le Québec a changé, tout comme le reste du pays. Pour être fructueux, les échanges doivent être entrepris sur ces nouvelles bases plutôt que sur les récriminations du passé.

La victoire du fédéralisme n'est pas consacrée par un scrutin particulier. On la constate plutôt dans la prospérité, la liberté, le respect des droits fondamentaux et de la diversité qui sont caractéristiques du Canada. Toutefois, rien de cela n'est acquis. Les élus du 2 mai 2011 sont désormais les gardiens de ces fondements du projet canadien.

* Luc Beauregard, Marie Bernard-Meunier, Jocelyn Coulon, Hugo Delorme, Ghislain Dufour, Pierre-Gerlier Forest, Michel Lemoine, Yvon Lessard, Reford MacDougall, André Pratte, François Vaqué et Richard Vigneault.