Investissement Québec publiait le mois dernier son rapport annuel. Dans son communiqué de presse, IQ annonce qu'elle a engrangé un des meilleurs bénéfices nets de la décennie, soit 62 millions de dollars. De quoi attiser notre fierté nationaliste envers cet icône du modèle étatiste québécois!

Investissement Québec publiait le mois dernier son rapport annuel. Dans son communiqué de presse, IQ annonce qu'elle a engrangé un des meilleurs bénéfices nets de la décennie, soit 62 millions de dollars. De quoi attiser notre fierté nationaliste envers cet icône du modèle étatiste québécois!

Mais une lecture attentive des états financiers d'IQ révèle que 94% de son portefeuille de prêts et d'actions fait l'objet d'une garantie du gouvernement. On lit donc que pour l'exercice financier 2010-2011, IQ a perdu 100 millions sur les prêts qu'elle a consentis, mais le gouvernement lui a envoyé un chèque de 98,4 millions pour éponger ces pertes. IQ récolte donc 100% des intérêts (soit 162 millions) sur les prêts, mais n'assume que 1,6% des pertes sur prêts. Avouons que ça aide à annoncer un bénéfice «record»! Sans cette garantie de l'État, son profit se serait renversé en une perte de 36 millions. Ma fierté vient de se dégonfler...

C'est en décortiquant la note 13 aux états financiers enfouie à la page 131 du rapport, intitulée «provision cumulée pour pertes», qu'on se rend compte de l'ampleur du problème. Cette provision représente l'estimation la plus précise d'IQ des montants prévisibles de pertes sur les prêts faisant partie du portefeuille. IQ y annonce qu'elle prévoit perdre 636 millions des 1,6 milliard de dollars qu'elle a prêtés, soit 40 cents pour chaque dollar de prêt! Pour référence, rappelons que le chiffre comparatif à la Banque Nationale est d'un quart de sous (0,024%) par 1$ prêté. Mais, heureusement pour la direction d'IQ, les profits ne seront effacés que de 4% de ces pertes, l'autre 96 % étant essuyé par l'État.

En plus des 98,4 millions mentionnés plus haut, le gouvernement a renfloué IQ d'un autre 120 millions comme compensation partielle pour les quelque 190 millions de subventions et autres «avantages» accordés par celle-ci à ses emprunteurs au cours de l'année. Le coût total des programmes gouvernementaux gérés par IQ a donc atteint près de 220 millions pour le dernier exercice.

Répétons cette analyse depuis le début de la décennie: on constate alors que les contribuables ont déboursé 3,4 milliards de dollars pour supporter les nombreux programmes gouvernementaux d'aide à l'investissement de IQ. C'est 6,4 fois plus que le bénéfice de 534 millions accumulé par IQ depuis le 1er avril 2000.

Les contribuables sont en droit de se demander si ces largesses de l'État en valent le coût. Car il y a bien un coût : ces subventions indirectes créent des distorsions dans le fonctionnement normal du marché. Quand l'État décide de favoriser artificiellement une entreprise, une production ou un secteur de l'économie avec nos impôts, il le fait aux dépens d'autres projets plus rentables et de la production d'autres biens et services (et la création d'emplois qui en résulterait) qui représentent plus de valeur aux yeux des consommateurs et qui auraient été choisis par eux en l'absence de la ponction fiscale qu'ils ont subie pour alimenter ces subventions.

On ne peut qu'espérer que IQ ne perdra pas 40% du 500 millions que le premier ministre Charest s'apprête à lui confier pour des prises de participation dans les projets du Plan Nord...