Le verdict dans l'affaire Turcotte vient de tomber. Les gens sont sous le choc; ils ne comprennent pas et se posent des questions sur ce qui arrive à la justice. Plusieurs explications ont été données par les différents médias. Mais il y a une question fondamentale que, étonnamment, personne ne pose: le procès par jury a-t-il fait son temps? Beaucoup de juristes le pensent, mais peu osent le dire. Pour ma part, en ma qualité d'avocat à la retraite, je pense que le procès devant jury est un symbole du passé et qu'il est aussi périmé que ne l'est la royauté britannique.

Le verdict dans l'affaire Turcotte vient de tomber. Les gens sont sous le choc; ils ne comprennent pas et se posent des questions sur ce qui arrive à la justice. Plusieurs explications ont été données par les différents médias. Mais il y a une question fondamentale que, étonnamment, personne ne pose: le procès par jury a-t-il fait son temps? Beaucoup de juristes le pensent, mais peu osent le dire. Pour ma part, en ma qualité d'avocat à la retraite, je pense que le procès devant jury est un symbole du passé et qu'il est aussi périmé que ne l'est la royauté britannique.

Cette forme de procès contribue à alourdir l'appareil judiciaire. Parfois, elle mène même à des situations troublantes. L'affaire Turcotte en est une.

Alors qu'il était juge en chef de la Cour suprême, Antonio Lamer avait dit cette phrase qui allait se révéler prophétique: «Le système de justice canadien va s'écrouler sous son propre poids.» On n'a qu'à penser à certains procès récents où les jurés, après de longues semaines d'audition et de délibérations, n'ont pas réussi à s'entendre, provoquant ainsi un autre procès devant un autre jury. Je pense au procès de l'avocat B. C., il y a trois ou quatre ans, ou encore au premier procès des complices de Vincent Lacroix. Deux procès longs et coûteux où les jurés n'ont pas pu se mettre d'accord.

Lorsque j'ai commencé à pratiquer le droit dans les années 60, un procès devant jury durait en moyenne une ou deux semaines; aujourd'hui, leur durée se compte en mois. Il faudrait se demander qui a intérêt à prolonger ainsi des causes souvent moins compliquées que ne l'était celle des complices de Lacroix.

Combien de fois, au cours de ma carrière, n'ai-je pas entendu des avocats criminalistes affirmer que quand on a une mauvaise défense, on n'a qu'à aller devant un jury, et qu'alors tout est possible. L'aspect «loterie» du procès par jury m'inquiète également. Choisis au hasard, les candidats jurés sont des gens de la collectivité pouvant provenir de n'importe quel milieu ou de n'importe métier ou profession. Ainsi, les jurys diffèrent toujours les uns des autres. Devant les faits, un jury peut décider d'une certaine manière, alors qu'un autre jury, devant les mêmes faits, aurait pu décider tout autrement. Même si tout au long du procès, le juge qui y préside donne de véritables cours de droit aux jurés, il reste qu'en définitive, chacun des jurés prend une décision selon sa personnalité et ses valeurs. De ce fait, il n'y a aucune constance d'un jury à l'autre.  

Historiquement, le procès par jury représentait une grande victoire du peuple sur les anciennes royautés ou noblesses, qui étaient seules habilitées à rendre justice, et pouvant, pour un oui ou pour un non, envoyer le simple citoyen à l'échafaud. Au fil des siècles, le peuple a fini par arracher cette prérogative à la royauté et a obtenu de rendre lui-même la justice.

Aujourd'hui, cette forme de justice n'est plus nécessaire. La justice est maintenant rendue par des juges professionnels; des femmes et des hommes compétents ayant fait de longues études, connaissant le droit et la jurisprudence, et n'ayant plus à rendre des comptes à l'autorité, étant nommés à vie.  

Il faudra bien un jour que le système judiciaire se demande si le procès devant jury n'est pas devenu un poids pour la société. Le verdict prononcé dans l'affaire Turcotte offre peut-être une belle occasion d'amorcer cette réflexion.