Le week-end dernier, un nouvel État est né. Le Sud-Soudan est devenu indépendant après un demi-siècle de guerre avec le pouvoir nordiste de Khartoum. Au cri de «Adieu le Nord, bonjour le bonheur», il a rejoint la communauté des nations.

Le week-end dernier, un nouvel État est né. Le Sud-Soudan est devenu indépendant après un demi-siècle de guerre avec le pouvoir nordiste de Khartoum. Au cri de «Adieu le Nord, bonjour le bonheur», il a rejoint la communauté des nations.

L'indépendance du Sud-Soudan était sans doute inévitable tant son peuple a souffert aux mains du pouvoir central soudanais. La guerre civile au Sud-Soudan depuis 1955 a longtemps été un conflit oublié de tous sauf de quelques activistes et journalistes. Même si le Soudan est déjà étiqueté «État appuyant le terrorisme» depuis 1993, cette guerre commence à intéresser les États-Unis après les attentats du 11 septembre et la mise en cause du régime soudanais dans les actions d'Al-Qaïda et d'autres groupes terroristes islamistes. Le secrétaire d'État américain de l'époque, Colin Powell, entreprend une campagne afin de pousser à l'indépendance les provinces du sud, privant ainsi Khartoum de ses champs pétrolifères et d'une partie de ses revenus. Un accord de paix entre le Nord et le Sud est signé en 2005, et le référendum de cette année sur l'indépendance a été massivement adopté.

La naissance du Sud-Soudan commence donc sous de bons auspices avec l'appui - très intéressé - des États-Unis, de la Russie, de la Chine et de bien d'autres. Tous leurs représentants étaient d'ailleurs à Juba samedi autour du berceau, car le nouveau-né est riche, du moins sur papier: pétrole, minerais, produits agricoles, terres arabes, eau. C'est une conjoncture rare dans cette région. Encore faut-il avoir les moyens d'exploiter les richesses par une gouvernance responsable, une situation régionale pacifique, des investissements importants et des moyens de transport et de communication. Et c'est ici que les choses se compliquent.

Le Sud-Soudan est déjà un État failli, c'est-à-dire incapable d'assurer les tâches essentielles d'un État: la sécurité et la prospérité de sa population; la liberté, et le contrôle de son territoire. Il est un des pays les plus pauvres du monde. Un enfant sur sept meurt avant l'âge de 5 ans, 85% des femmes sont illettrées, et il y a 120 médecins pour huit millions d'habitants.

Sur le plan politique, le nouveau pouvoir est déjà contesté par des rébellions, et les massacres sont monnaie courante. Sur le plan régional, avec le Soudan, les contentieux les plus sérieux ne sont pas réglés : définition des frontières, partage de la rente pétrolière, gestion de l'eau du Nil. Comme le pays est enclavé et veut sortir de sa dépendance avec le Soudan, il devra construire des voies de transport, dont un oléoduc, à travers le Kenya.

Enfin, et ce n'est pas rien, le Sud-Soudan est situé au milieu d'une zone de conflits inextricables. Tous ses voisins, sans exception, sont en guerre ou vivent une crise intérieure sérieuse.

La situation est telle que l'ONU vient de renouveler le séjour des Casques bleus déployés dans ce nouveau pays depuis 2005 avec le mandat de consolider la paix et d'assurer la sécurité.

L'avenir n'est jamais écrit d'avance, mais force est de constater que l'histoire pourrait bien se répéter au Sud-Soudan. En 1998, le président Bill Clinton, en visite en Afrique, saluait l'émergence de leaders responsables en Éthiopie, en Érythrée, au Congo démocratique, en Ouganda et au Rwanda. Ils étaient l'espoir du continent, disait-il. Aujourd'hui, ces cinq pays figurent sur la liste de plus en plus longue des États faillis de la planète, liste établie par le Fonds pour la paix et publiée dans la dernière édition de Foreign Policy.

Maintenant que la fête est terminée à Juba, reste à voir si le bonheur sera au rendez-vous.