Tout de suite après la première fois où tu m'as agressé, je m'étais pourtant juré que même sous la torture, je n'évoquerais jamais de toute ma vie ce qui venait de se passer. J'étais alors trop jeune pour comprendre l'impact que l'exercice de ta passion, soit de fouiller dans les pantalons des petits garçons, aurait sur l'ensemble de mon existence. Toi, tu t'amusais, mais à moi, qu'est-ce que cela faisait?

Tout de suite après la première fois où tu m'as agressé, je m'étais pourtant juré que même sous la torture, je n'évoquerais jamais de toute ma vie ce qui venait de se passer. J'étais alors trop jeune pour comprendre l'impact que l'exercice de ta passion, soit de fouiller dans les pantalons des petits garçons, aurait sur l'ensemble de mon existence. Toi, tu t'amusais, mais à moi, qu'est-ce que cela faisait?

En fait, ce dimanche soir d'octobre 1982, tu venais d'implanter en moi une bombe. Pas n'importe laquelle. Une bombe très particulière. Une bombe sale comme on appelle en langage militaire. Cette bombe, c'est celle qui se crée dès l'instant où on agresse sexuellement un enfant. Où on viole son petit corps pour le simple plaisir d'un adulte fou et détraqué. Cette bombe prend position instantanément et il est impossible de la désancrer facilement. Pire, puisqu'on est un enfant, on n'est absolument pas conscient qu'il y a dès lors un travail immense à faire pour l'éliminer.

Dans mon cas, ce travail a débuté le 21 mai 2008 à 15h50. Fais le calcul, c'est-à-dire environ 25 ans plus tard. C'est ce jour-là où, pour la première fois, j'ai senti l'impact que ta folie avait eu sur ma vie. C'est là seulement que j'ai commencé à comprendre ce que cette bombe implantée avait diffusé depuis tant d'années à l'intérieur de moi. À partir du moment où tu m'as violé pour la première fois, la bombe implantée a commencé à dégager quelque chose qui m'empêcherait d'être moi-même. Tu venais de me transformer pour le reste de ma vie. (...)

La peur et la honte. C'est ce qui habite encore le coeur de ce petit que je traîne avec moi depuis toutes ces années. Peur du jugement des autres, peur de déplaire, peur de ne pas être à la hauteur de ce que la vie nous demande, peur de ne pas réussir, peur, peur...

Les gestes posés m'ont fait mal, certes, mais je ne suis pas le seul à avoir subi les impacts de ta passion démoniaque. L'annonce à mes proches de ce que tu m'avais fait, 25 ans plus tôt, les a aussi grandement blessés.

Les larmes sur les joues de mes deux grandes soeurs, et la tristesse de ne pas l'avoir décelé à ce moment-là, c'est toi, Lavoie.

L'incrédulité et le frisson ressentis par mes deux jeunes frères à l'idée qu'ils auraient pu y passer, eux aussi, lors de leur passage dans cette école, terrain de jeux pour prêtres pédophiles, où toi et plusieurs membres de ta congrégation s'approvisionnaient, c'est toi, Lavoie.

Lorsque l'Amérique au complet regardait Washington le matin du 4 novembre 2008, pour l'élection de Barack Obama, ma mère, elle, regardait le vide. Je venais de lui apprendre ce que tu m'avais fait 25 ans plus tôt. Le cri qu'elle a lancé en me disant que tu étais alors venu sans aucune morale, près du cercueil de mon père juste après m'avoir violé à plusieurs reprises, c'est encore toi, Lavoie.

J'ai pris la décision de te sortir de ma vie le 25 août 2008, en ouvrant un dossier que j'ai appelé simplement «Réparation, début 25 août 2008». J'y ai consacré beaucoup d'énergie depuis à t'éliminer, toi et tout le mal que tu nous as causé. Il me reste malheureusement encore à te sortir de mes nuits. Les centaines de cauchemars, que ta passion sexuelle criminelle m'aura apportés, tendent à diminuer. Peut-être un jour auras-tu définitivement quitté les heures que j'utilise pour me reposer. (...)

À l'automne 2008, c'est en regardant les yeux de mes petits enfants que j'ai puisé l'énergie qui me manquait alors pour me libérer des impacts de ton passage dans nos vies. Pour moi, c'est vrai, j'ai pensé ravaler à ce moment-là. Mais en regardant la vie que j'ai envie de leur laisser, j'ai compris que la seule issue était alors de te dénoncer. (...) Le nombre grandissant d'hommes qui m'ont suivi prouve bien que toi et beaucoup d'autres de ton organisation se servaient alors de leur position pour nous détruire en pratiquant votre passion.

À l'époque, vous vous targuiez de construire la jeunesse. De créer les hommes qui dirigeraient la société de demain. Tout cela n'était que mascarade. Quelle grande hypocrisie de ta part et de ceux de ton groupe, aussi malades que toi. Vous n'êtes que des démolisseurs d'enfants. (...) Vous avez détruit ce que tous les parents de ces jeunes enfants avaient de plus précieux dans leur vie.

Tout en facturant pour l'éducation et l'hébergement ceux qui vous confiaient leurs enfants, vous vous permettiez sans gêne de les agresser et même de vous les partager. Je ne vous le souhaite pas, mais s'il y a un enfer, n'ayez crainte, vous allez tous vous y retrouver.

Je te fais alors une promesse aujourd'hui. Je vais travailler fort dans ma vie pour que notre société ait la chance d'évoluer le moins possible avec des prêtres pédophiles comme toi, pauvre Raymond-Marie Lavoie.

* Ceci est un extrait de la lettre que M. Tremblay a lue devant l'accusé au moment où il plaidait coupable plus tôt cette semaine.