La question de l'immigration au Québec en est une qui perdure, peut-être parce que nous ne sommes pas réellement une «société d'accueil». Par cela, j'entends que nous n'avons probablement pas le niveau de confiance nécessaire en ces institutions qui doivent nous «protéger» de «l'autre», l'immigrant. La nature effrayante de cet épouvantail, qui fut parfois accusé de «voler nos jobs», émanait notamment de la crainte de voir notre spécificité, que l'on jugeait précaire, disparaître dans un tsunami d'étrangers. Et cette crainte, on l'a constaté ces dernières années, est loin d'être du passé. Will Kymlicka (Finding Our Way) affirme que nos institutions sont la clé du succès du multiculturalisme; les immigrants qui veulent réussir s'intégreront, chacun à leur rythme. Mais comme le rappelle Charles Taylor (The Politics of Recognition), les immigrants que nous acceptons peuvent eux aussi s'attendre à voir leur spécificité reconnue (à l'intérieur de certaines limites). Notre identité collective peut-elle survivre dans de telles conditions? Si la réponse est un «oui» clair, la question du nombre d'immigrants ne serait sans doute qu'une question de chiffres: tant de postes à occuper, tant de jeunes pour remplacer les plus vieux, et une portion de gens admis pour des raisons humanitaires (y compris le regroupement familial). Les circonstances indiquent qu'il reste encore beaucoup à faire pour démontrer aux Québécois(es) que tous les moyens sont pris pour assurer une intégration mutuellement acceptable des immigrants. Mais plus désolant encore, elles suggèrent que nous n'avons toujours pas, collectivement, confiance en nous-mêmes.