Selon l'Institut de la statistique du Québec, la population du Québec franchira le cap des huit millions d'habitants avant la fin de l'année. Les faits saillants de ce bilan démographique brossent le portrait d'une société en plein processus d'évolution et de diversification.

Pourtant, nous nous trouvons ces jours-ci au plus fort d'un «crise» linguistique, caractérisée par une chasse aux anglophones dans la sphère publique, qui rappelle étrangement les années 70.

Le problème n'est pas que les Québécois de façon générale ne parlent pas ou n'apprennent pas le français. Nous le parlons et l'apprenons de plus en plus, comme le démontrent les données du recensement.

La minorité militante est préoccupée par le fait qu'une grande nombre de Québécois ne le parlent pas exclusivement dans la sphère publique des affaires, de l'éducation, des médias, de la santé et de la politique. Ces Québécois sont bilingues ou multilingues.

Lorsque ce sont les francophones qui osent contester le discours nationaliste dominant ou qui en soulignent les contradictions, soit par leurs mots soit par leurs pratiques langagières, cela entraîne un véritable branle-bas de combat. À mon avis, ce débat révèle l'échec cuisant de l'idéologie nationaliste du Québec, idéologie selon laquelle il doit y avoir «une langue, une culture, une nation» même à l'heure de la mondialisation.

Comme la grande majorité des Québécois, je m'identifie fortement et fièrement à la langue française. Je défends sans équivoque l'importance d'apprendre le français au Canada. Je soutiens également le rôle de la langue française comme facteur d'unité linguistique au Québec. Mais je suis aussi fièrement bilingue et je considère la connaissance d'autres langues comme un atout précieux dans la vie.

Il y en a parmi nous (et avec ce "nous", je tiens à souligner que j'englobe les francophones, les anglophones et les allophones, Québécois de souche et néo-Québécois) qui se sentent partie de la société mondiale sans pour autant craindre une perte de leur identité ou de leur lien avec la langue française ou avec le Québec. Par conséquent, une nouvelle façon dynamique d'imaginer la société québécoise semble apparaître dans la sphère publique. D'où la «crise» pour ceux qui imaginent toujours les Québécois comme une peuple colonisé, perpétuellement menacé.

Les entreprises québécoises comme Bombardier, la Banque Nationale, la Caisse de dépôt et CGI fonctionnent dans un contexte mondialisé. Cela vaut pour d'autres milieux. Les cinéastes, musiciens, acteurs, créateurs de mode, écrivains, artistes de cirque et comédiens québécois sont en demande partout sur la planète.

Alors que le monde se transforme, il devient de plus en plus difficile de justifier une approche unilingue militante relativement à la langue française. Malheureusement, il y en aura toujours qui continueront de voir des ennemis à l'extérieur et des traîtres à l'intérieur. Leur stratégie d'un blocage linguistique apparaît de plus en plus désuète: purger le paysage urbain de toute trace de la langue anglaise, se moquer ou se plaindre des accents non-francophones, refuser de parler ou interdire d'autres langues dans la sphère publique, n'embaucher que des francophones, parler des anglophones unilingues comme d'une «ethnie» montréalaise.

Quel message est-ce que ce type de prescriptions linguistiques envoie aux gens qui regardent le Québec? Ne l'oublions pas: notre population vieillit et l'accroissement démographique naturel diminue. Notre croissance démographique dépend de notre capacité à attirer et à retenir des immigrants. Dans ce contexte, la langue française devrait-elle être présentée comme un atout désirable ou comme un emblème d'intolérance et de domination?