Prenant part à ce débat interminable sur les accommodements raisonnables (ou pas), Mme Danielle Mérit invoque le port du voile comme signe de soumission féminine. En tant que personne de confession musulmane, j'en ai marre d'avoir pratiquement à chaque jour à faire face à ces allégations.

On oublie toujours l'ampleur des efforts que les immigrants musulmans comme moi font pour s'établir au Québec. Certes, c'est une société qu'on aime et qu'on respecte; par contre, des propos comme ceux de Mme Mérit menacent le modèle multiculturel québécois, réussi sur plusieurs aspects.

Il est certain que comme tout immigrant de convictions minoritaires, nous devons faire preuve d'assez de flexibilité pour s'accommoder avec les valeurs majoritaires et établies de la société québécoise. Par contre, il faut nous accepter comme nous sommes.

Un grand nombre de femmes du monde musulman portent le voile depuis plusieurs décennies, cela ne va pas changer! Le port du voile est ancré dans nos moeurs, nos habitudes et fait partie de notre tradition, en plus d'être une conviction pour plusieurs femmes.

À plusieurs égards, je pense d'ailleurs que la communauté musulmane au Québec paie le prix de ne pas être «ghettoïsé». Le fait de faire partie de la société et de l'économie à part entière en dérange certains, malheureusement, car il n'est pas possible pour eux de concevoir un autre modèle que celui qu'ils connaissent!

Mme Mérit ne fait pas allusion au port du turban sikh par les hommes ou aux pratiques d'autres communautés religieuses (comme les juifs hassidiques), bien qu'elles ne soient pas nécessairement conformes au modèle de valeurs de la société d'accueil. Mme Mérit croit-elle vraiment que toutes les femmes voilées le sont par la force? Si oui, parlez-en aux nombreuses docteures, pharmaciennes, ingénieures qu'on rencontre dans la sphère économique.

L'expression «accommodement raisonnable» devrait être remplacée par «acceptation raisonnable». Il faut apprendre à accepter; à accepter cette richesse culturelle (et économique) que représente le multiculturalisme du Québec.

Les musulmans, comme les autres communautés confessionnelles ou culturelles, devraient certainement adopter les valeurs de la société d'accueil. Cependant, ceci ne va pas changer nos habitudes socioculturelles ou religieuses. Par contre, ce qui devrait changer, c'est certainement le discours d'assimilation, parfois haineux, qu'on retrouve dans les médias.

UN FOULARD ? ET ALORS...

Suzanne Touchette

Fonctionnaire au niveau fédéral, l'auteure réside à Gatineau.

Faut quand même pas tout mélanger: tenue vestimentaire et affirmation de soi.

Nous viendrait-il à l'esprit d'interdire le port de la jupe longue sous prétexte que la mode de nos grand-mères est chose du passé et qu'en tant que femmes modernes, nous devons être fières de montrer nos jambes? Une jupe longue serait un signe d'infériorité pour celles qui la portent? Les jupes ne sont pas portées aussi par les hommes. Bannissons-les?!

En effet, le foulard ne se compare pas à une croix dans le cou. Ce n'est pas un signe religieux, mais un signe de modestie, valeur que l'on retrouve autant dans la Bible que dans le Coran. Il est un vêtement que la femme musulmane porte pour compléter son habillement quand elle est à l'extérieur de chez elle. Tout comme une femme ne penserait pas sortir en ville en pyjama, plusieurs femmes musulmanes ne se voient pas sortir sans foulard. Allons-nous faire enquête auprès des gens pour connaître les motifs qui sous-tendent leurs choix vestimentaires? Demandons-nous à une collègue au bureau, qui s'habille toujours avec réserve, si elle le fait pour des motifs religieux? En quoi cela nous regarde-t-il?

C'est certain que lorsque nous voyons une femme voilée, nous pouvons savoir qu'elle est musulmane. Son foulard est une caractéristique, sans plus. Il n'est pas porté, a priori, comme une croix ou un scapulaire, avec l'intention de marquer une appartenance à une croyance ou de faire du prosélytisme.

Oui, les médias nous rapportent de graves cas d'abus envers des femmes dans certains pays musulmans. Il faut les dénoncer. Le mariage forcé, il faut le dénoncer. Ces «coutumes» et les enseignements de l'islam sont antinomiques. Le recul de ces coutumes va de pair avec l'accès à l'éducation généralisé pour les femmes. Il faut espérer que la chute des dictateurs, maintenus en place par le «très démocratique Occident», va permettre d'accélérer ce processus.