Prenons garde, des économistes veulent notre bonheur. Dans ce qui ressemble fort à une entreprise de séduction, l'OCDE propose de mesurer notre «vivre mieu». Onze indicateurs, lesquels donnent lieu à une vingtaine de mesures apprécient notre qualité de vie. L'emballage du site est néo-kitsch: chaque pays est une fleur et les indicateurs autant de pétales. On croirait entendre Donovan en musique de fond (http://oecdbetterlifeindex.org/).

Plus sérieusement, Luc Godbout et Marcelin Joanis, dans Le Québec Économique 2011, ont repris l'exercice pour l'appliquer au Québec. Sans trop de surprises, parce qu'il existe, cela va de soi, une relation étroite entre la richesse disponible et la qualité de vie, ils montrent que notre bonheur national brut est le plus élevé de la planète. Ainsi nos spécialistes démontrent, hors de tout doute, que l'on peut être relativement pauvre et heureux en même temps.

En effet, selon les indices économiques plus traditionnels, bien que situé dans un des pays les plus riches du monde, à l'échelle de l'Amérique du Nord, le Québec est relativement pauvre.

Un bref rappel: le produit intérieur brut (PIB) mesure la valeur de la production dans un pays au cours d'une année. La variation d'une année à l'autre permet d'apprécier la croissance économique. Divisé par le nombre d'habitants, on obtient un indicateur du niveau de vie. Il s'agit d'une mesure aussi utile qu'imprécise de notre richesse relative. Au Canada, le PIB per capita s'élevait à 47 600$ en 2010.

Cette mesure ne prend de sens qu'en comparaison avec d'autres pays. À la suite des corrections indispensables, en tenant compte des taux de change et du pouvoir d'achat, on parvient à un classement dans lequel le Canada se retrouve invariablement dans les 15 pays du groupe de tête.

Le même exercice donne au Québec un revenu par habitant de 40 400$, donc inférieur de 7300$ à celui de la moyenne des autres provinces canadiennes. Cet écart est causé par des taux d'emploi et de revenu inférieurs, manifestations d'un retard en matière de productivité du travail, selon le constat inquiétant de mon collègue Martin Coiteux (https://cpp.hec.ca/fr/). Le Québec se classe donc au 10e rang des 13 provinces et territoires du Canada. Plus spectaculaire, en comparant avec les 51 États américains, le Québec se situe au 42e rang, quelque part entre le Tennessee et le Michigan.

Comment se retrouver au bas de la liste et profiter à la fois d'une qualité de vie des plus élevée? Tout est question de distribution. La mesure du «vivre mieux» place le Québec en tête parce que nos programmes sociaux sont très généreux. Notre qualité de vie collective est le résultat de la distribution des revenus qu'autorisent les transferts et les programmes sociaux au profit des moins riches. À l'examen, notre modèle social s'avère plus scandinave qu'un filet de hareng.

Trois facteurs y contribuent: une fiscalité asphyxiante, qui prévoit des exemptions et des remboursements pour les plus bas revenus, un endettement hellénique, des transferts fédéraux dont le programme de péréquation qui compensent, en partie, à l'avantage du Québec, le différentiel de revenus entre Provinces.

Ainsi le surplus de bien-être qui excède la valeur de notre travail vient de l'endettement de l'ensemble du secteur public, un montant de 240 milliards. Cela représente 62 000$ par contribuables, les seuls susceptibles de rembourser. S'ajoutent les contributions fédérales de l'ordre de 17,2 milliards. Celles-ci représentent 23% des revenus du gouvernement du Québec.

Souhaitons vivement que les dividendes prochains du Plan Nord soient très substantiels.