La mort de Gary Carter entraîne une cascade d'émotions. Son arrivée avec l'équipe en 1974 coïncidait avec une époque particulièrement faste pour Montréal. Les chantiers d'Expo 67 étaient frais dans la mémoire collective et ceux des Jeux olympiques toujours en cours. Montréal venait de se doter d'un service de transport en commun souterrain de premier ordre et regorgeait de sièges sociaux d'importance. La ville brillait de tous ses feux comme rarement auparavant, et jamais depuis.

Les Expos et Carter étaient faits l'un pour l'autre. Bien qu'ils jouaient à Montréal, ses partisans habitaient autant au Nouveau-Brunswick qu'à New Carlisle, à Vancouver qu'à Victoriaville. Même s'il ne s'appelait ni Lafleur, Lemaire ou Cournoyer, Carter a rapidement été adopté à Montréal. Doté d'habilités de communicateur exceptionnelles, Carter aurait fait un malheur s'il avait eu accès à Facebook ou à Twitter!

Les saisons 1979 à 1983 ont provoqué un véritable vent de folie à Montréal. Un championnat de division et deux saisons à deux matchs ou moins du championnat. Plus de 10 millions de spectateurs se sont rendus au Stade olympique pour encourager les Expos. Jacques Doucet et Dave Van Horne (deux parmi les meilleurs) nous accompagnaient partout dans nos déplacements - même au Stade!

L'équipe a certes connu d'autres moments de gloire, incluant de 1992 à 1994, mais il faut reconnaître qu'aucun joueur n'avait la stature de Carter. La contribution des Pedro Martinez, Larry Walker et Rondell White au succès de l'équipe est indéniable; mais elle n'atteindra jamais celle de Carter.

Ses performances sous pression n'ont pas d'égal chez les Expos et se comparent très favorablement à ses contemporains. On n'a qu'à se rappeler quelques présences au bâton en Série mondiale en 1986 pour s'en convaincre. N'eut été de l'acharnement de Carter, ce n'est pas en 2004 que Boston aurait mis fin à sa série infructueuse remontant à l'époque de Babe Ruth, mais bien en 1986.

Son décès nous rappelle aussi que nous sommes sans baseball majeur à Montréal depuis bientôt huit ans. Il est devenu habituel de blâmer la grève des joueurs en 1994 et la conduite de Jeffrey Loria pour expliquer le départ des Expos.

Mais d'autres marchés de baseball, comparables à Montréal, ont réussi à composer avec l'environnement d'après-1994. Quant à Loria, il faut se rappeler que ce n'est pas à lui que Charles Bronfman a vendu l'équipe en 1991.

Plusieurs s'interrogent sur l'hommage que pourrait lui rendre Montréal. Au-delà d'un parc ou d'une station de métro portant son nom, un geste tout aussi significatif consisterait à travailler sur la relance du baseball majeur à Montréal.

Des amis m'ont récemment offert pour mon 50e anniversaire une semaine au camp de rêve (Fantasy Camp) des Red Sox. Mais c'est plutôt à celui des Expos que j'aurais souhaité participer. Est-il réellement trop tard? Du Temple de la renommée de l'au-delà, Carter nous regarde avec sa casquette des Expos et souhaite que ce ne soit pas le cas.