Les chroniqueurs Patrick Lagacé et Michèle Ouimet ont échangé en direct sur le débat des chefs.

Patrick (20h05) : J'aime ça, moi, les chefs assis, Michèle. Ah, tu vas me dire que je me concentre sur les apparences. Mais les as-tu écoutés, dans leurs discours d'ouverture ? Des slogans, des slogans, des slogans. Michèle (20h13) : Veux-tu que je te parle de la robe de Pauline Marois ou de la cravate de Mario Dumont? Un peu de sérieux. Parlons santé. Jean Charest a crucifié Mario Dumont quand il lui a dit qu'il voulait couper deux milliards dans les dépenses de l'état. Où allez-vous couper, M. Dumont, lui a-t-il demandé? Dans la santé.?

Mario Dumont est resté bouche bée. Quant à la cravate de M. Dumont, elle fait pas mal monsieur.

Patrick (20h22) : Pauline Marois est efficace. Plus que ce que j'escomptais. Parlant de dents, elle a endommagé celles de M. Charest, sur le débat en santé. Bonne réplique, quand le PM a tenté de l'attaquer sur le bilan péquiste. Mais avoue que c'est surréaliste quand Mme Marois réfère au bilan libéral des années... Bourassa-Johnson ! Je crois que, bientôt, quelqu'un va sortir les coupures de salaires imposées aux fonctionnaires sous Lévesque.

Michèle (20h27) : Le débat est tellement animé (étonnant!) que Stéphan Bureau s'est emmêlé les pinceaux. Il a dit à Jean Charest : Mme Charest. Jean Charest l'a repris. Stephan Bureau a été tout étonné. Appelez-moi Stephan, lui a-t-il répliqué. Anyway.

Tu as raison, Pauline Marois est en grande forme. Votre gestion en santé est un fiasco. Vous n'êtes même pas capable de construire un hôpital», lui a-t-elle lancé. Ouch!

«Vous êtes la personne la plus mal placée pour parler au Québec», lui a répliqué Jean Charest. Re-ouch!

Patrick (20h34) : Ouais, sauf que je suis comme Mario Dumont : tanné en tabarslak que le PQ et le PLQ s'accusent mutuellement sur le bilan en santé. Charest et Marois, sur la santé, ressemblent à des robots qui répètent leurs slogans machinalement : «Fiasco! Cancer! Infirmières à la retraite! Cassette!» On dirait R2D2.

Michèle (20h36) : Penses-tu vraiment qu'ils vont réinventer leurs discours en plein débat? Un peu naïf, non? Ça fait trois jours qu'ils répètent leurs «lignes» avec une armée de conseillers. Ils ont bien appris leur leçon.

Tu vas être content, ils viennent de laisser la santé, ils attaquent l'économie. Je te parie qu'on va être noyé dans les chiffres. J'attache ma bouée de sauvetage!

Tu ne m'as pas dit comment tu trouvais la cravate de Mario Dumont. Me semble que tu n'en portes jamais. Boycott? Blocage? Refus d'avoir l'air d'un Monsieur? Ton petit côté rebelle?

Patrick  (20h40) : Je suis content qu'on sorte de la santé, oui. Tout ça me donne la nausée. Quel cri du coeur, celui de ce Monsieur Provost : « Qu'est-ce que vous allez faire pour moi ? » Les trois réponses étaient sensées, dans le ton, dans les actions proposées. Dumont et Marois sont incapables d'ébranler le PM. Quarante minutes de jeu, et je ne vois pas de gagnant.

Pour la cravate : je n'en porte pas, Michèle, par principe. Une longue histoire.

Michèle (20h44) :Mario Dumont a dû se faire dire par ses stratèges de ne pas être trop agressif. Il a beurré une petite couche positiviste dans une ses répliques. Il a dit, et je cite parce que ça m'a soufflée : «Votre programme de rénovation domiciliaire, c'est intéressant.» !?!

Bon, Mme Marois est en train d'écorcher Jean Charest en lui disant que son bilan économique est é-pou-van-ta-ble.

Raconte-moi, pour la cravate, pendant que les trois chefs se lancent des chiffres par la tête.

Patrick (20h50) : Traite-moi de naïf, Michèle, mais ce bout-là, où la comète de Rivière-du-Loup a félicité le carcajou de Sherbrooke, ça m'a fait chaud au coeur. Ça lui permet de se positionner comme un gars conciliant. Rusé. J'écoute ce débat et parfois, comme on dit en bon québécois, «je pogne le fixe». Je les vois, mais je ne les entends pas. Puis, Mme Marois s'insurge et BING, je me réveille. Tiens, M. Charest qui attaque encore le bilan péquiste pré-2003 : « Au mois de novembre 2002... ». On n'en sort pas. C'est Retour vers le Futur et le Jour de la marmotte.

La cravate ? Eh bien, Michèle, simplement, je me suis juré un jour de ne jamais avoir l'air d'un Monsieur. Je n'ai, aussi, rien d'autre que des jeans.

Michèle (20h56) : Mme Marois vantait ses réalisations quand elle était ministre quand Mario Dumont lui a répliqué : «Ce n'est pas ce que les gens de la santé pensent!»

«Ne reprenez pas la cassette de M. Charest!» lui a-t-elle dit excédée.

Cette histoire de santé est tellement usée! Pu capable.

Bon, Mme Marois et Jean Charest se crêpent le chignon sur le déficit. On nage dans les milliards. Jean Charest parle de je-ne-sais-plus-combien-de-milliards dans le déficit existant ou non (tu me suis toujours?) Je suis toute mélangée. Je ne suis pas la seule, Mario Dumont aussi a de la misère à suivre. «Allez me chercher un bon petit comptable de dépanneur pour m'expliquer ça», vient de dire Mario Dumont.

Mais la question, la vraie, la voici : Pourquoi tu t'es juré que jamais, JAMAIS, tu n'aurais l'air d'un Monsieur?

Patrick (21h01) :Je suis le débat avec un casque d'écoute sur les oreilles. Et j'ai mal aux oreilles. 2) Pour ta question, Michèle, c'est parce que je ne veux pas m'éloigner de mon coeur d'enfant, de ma capacité d'émerveillement. Je t'avoue que ce soir, même sans cravate, c'est dur de m'émerveiller.

Michèle (21h06) : Je trouve que Stephan Bureau s'en sort assez bien. Il a du pain sur la planche. Les trois chefs se coupent la parole, mais il les ramène avec beaucoup de naturel. Pas mal bon.

Qu'est-ce que tu en penses, toi, des états financiers de la Caisse de dépôt et de placement. Faut-il les rendre publics?

C'est un peu chien comme question, je le sais.

«Vous m'avez crié des bêtises à l'Assemblée national», a dit Mario Dumont à Jean Charest sur je ne sais plus quoi, la Caisse ou le déficit.

Tu ne trouves pas qu'on est tombé dans le : Mon père est plus fort que le tien?

Ouf! Stephan Bureau vient de dire qu'on a fini le bloc économie. On a survécu.

Coeur d'enfant, capacité d'émerveillement, n'importe quoi. Ce n'est pas plutôt parce que tu as peur de vieillir. Psycho pop 101.

Patrick  (21h10) : Michèle, je n'ai pas peur de vieillir. La preuve ? Régulièrement, on me dit que j'ai l'air d'avoir moins de 30 ans. Je ne vois pas de quoi j'aurais peur. Peur, moi ! Enfin, je m'éloigne. La Caisse ? Honnêtement, on s'en doute que la Caisse a subi des pertes. Qui n'en a pas subi, dans ce marché de fous ? Qu'on laisse la Caisse révéler ses résultats selon son agenda. Pas selon l'agenda électoral.

Phoque qu'ils ne sont pas inspirants. Je t'ai dit que j'ai mal aux oreilles ?

Michèle (21h14 ) : Moi, c'est à la tête que j'ai mal.

Parlons des vraies affaires. Tu penses que tu as l'air de moins de 30 ans! C'est sûrement un politicien qui t'a dit ça. Et tu l'as cru?

Patrick (21h20) : Déformation professionnelle : habitués à dire « Monsieur le président... » en Chambre, ils prennent toujours Stéphan Bureau à témoin, comme s'ils cherchaient à le convaincre. Je dois dire, ici, que Mario Dumont a raison de pousser le bouton de l'école. L'école, tu le sais, Michèle, est un sacré fouillis. Dont on s'indigne sans trop de conviction, à mon avis, obsédés que nous sommes par la liste d'attente de la chirurgie du ménisque. Pour mon air juvénile, j'arrête ici, tu me blesses. Si, si. J'arrête sinon je vais devoir parler de tes traitements de Botox (ne fais comme si tu ne savais pas de quoi je parle).

Michèle (21h24) : La réforme, la foutue réforme. Encore et toujours. La question : à qui la faute? Pauline Marois, qui a accouché de la réforme? Jean Charest? Question compliquée. Oui, Mme Marois a lancé la réforme. Au début, elle était sobre. L'école revenait aux matières de base : français, anglais, histoire, maths. Le gros bon sens. Sauf que la réforme s'est égarée dans les méandres de l'appareil bureaucratique. La réforme est devenue un monstre avec ses compétences transversales et disciplinaires. À qui la faute, aux politiciens qui n'ont rien vu ou aux fonctionnaires qui ont kidnappé la réforme en imposant le foutu socioconstructiviste?

Ce n'est pas ce soir qu'on va le savoir, ça c'est certain.

Tu m'as trahie! Je t'avais dit de ne pas parler de mes traitements de botox. Et je t'avais promis, en échange, de ne pas parler de ta perruque.

Patrick (21h30) : Mario Dumont devrait faire attention, son non-verbal est un peu rugueux. Moi, j'aime ça, mais les Madames n'aiment pas ça, dans leurs salons. Il était, à juste titre, un peu baveux, quand le PM lui parlait de ses coupures de deux milliards. Mais ça peut passer pour de l'arrogance. Mme Marois est bonne quand elle est piquée au vif. Quand elle récite ses « lignes », je me mets à penser à ce traitement de canal que je devrai bien me résoudre à subir.

Pis, qui gagne, après 90 minutes ? Si je me fie aux statuts de mes amis de Facebook, c'est la cacophonie.

Michèle (21h35) : Un gagnant? Aucune idée. Ils sont bons et mauvais, chacun à leur façon. Tu vas trouver que je ne suis pas vite-vite, mais je suis encore dans le bloc éducation.

Question soulevée par une citoyenne : Faut-il donner de l'argent aux femmes qui gardent leurs enfants à la maison ? Je suis contre cette mesure. Il existe un formidable réseau de garderie à 7$ par jour. Oui, il manque de place, oui, ce n'est pas parfait, mais quel formidable coup de pouce pour les femmes qui travaillent.

Si certaines ne veulent pas envoyer leur enfant dans un centre de la petite enfance, très bien, mais l'état n'a pas à payer pour ce choix. Pas plus qu'il ne devrait payer pour les écoles privées. Mais c'est un autre débat.

Tu ne parles pas de ta perruque?

Patrick (21h41) : Michèle! Moi, une perruque! Je te mets au défi, drette-là, de venir tirer sur cette riche et chatoyante chevelure qui est mienne. Tu vas voir que c'est bien pris, cette pilosité-là. Juste du vrai. Allez, viens, viens, avec ton sourire figé par le Botox!

Gagnant ? Match nul. Première étoile? Mario Dumont. Des trois, c'est le meilleur communicateur. Qu'on soit d'accord avec ses positions ou pas, il sait faire image, il est clair, il est concis. M. Charest se la joue safe, Mme Marois est sincère mais elle est un peu lente, incapable de résumer sa pensée dans une clip efficace. C'est Charest qui gagne, donc. Parce que jusqu'à maintenant, il n'a pas mis le genou par terre.

Michèle (21h49) : Le débat est finalement assez bon. Parfois technique et bourré de chiffres, mais pas soporifique. Ah ça, non! Peut-être parce qu'ils étaient assis?

C'est vrai que Mario Dumont est parfois abrasif, mais je ne pense pas que les femmes sont effarouchées par cette poussée de testostérone, comme tu le prétends. On n'est pas des matantes qui s'offusquent devant un échange viril. Franchement!

Je reviens sur Stephan Bureau. Il est assez bon. C'est son métier, ça paraît. Je me souviens d'Antonine Maillet, une catastrophe. Et que dire de Claire Lamarche.

Oui, Mme Marois est un peu lente, mais elle avait beaucoup à perdre. Et je préfère sa lenteur aux clips à répétition de Mario Dumont.

Quant à tes cheveux, j'ai suivi ton conseil. Tu peux venir chercher ta perruque, elle est sur mon bureau, à côté de mon clavier.

Patrick (21h55) : Michèle, d'abord, sache que ma plainte au Conseil de presse pour cette affaire de perruque est déjà partie. Inadmissible que tu lances ainsi une fausseté qui sème un doute sur mon intégrité capillaire. Tu me déçois. Quant aux matantes que tu défends, d'abord, je n'oserais jamais traiter 50% de la population de matantes. La Femme, et cela est très bien, aime le consensus, l'harmonie et la coopération. La Femme moyenne n'est pas comme toi, à côtoyer des chefs de guerre afghans et des pachtounes égarés dans les zones tribales pakistanaises, Michèle. C'est ce que je voulais dire : l'arrogance passe mal à la télé. Je sais de quoi je parle. J'ai perdu à La Joute, le show de M. Bureau, parce que j'ai été trop fendant avec mes adversaires.

On est rendus à qui a coupé plus d'arbres que l'autre. Ayoye.

Michèle, je crois que c'est assez clair, il y a un gagnant, dans ce débat. Moi. Tu finis bonne deuxième, si au moins c'eut été dans la dignité...

En passant, t'as oublié les coordonnées de ton chirurgien plastique sur mon pupitre.

Michèle (22h04) : Quel est le Québec de votre rêve, a-t-on demandé aux chefs? L'École pour Mario Dumont, la famille pour Pauline Marois, l'économie pour Jean Charest. Et toi, Patrick? Une belle perruque neuve? Ou avoir l'air de moins de 30 ans, toi qui vogues sur tes 50?

Je pense que ça met fin au débat et à notre débat. N'oublie pas ta marchette avant de quitter La Presse.