Le grand perdant des élections d'hier, c'est Stéphane Dion. Son échec est cuisant, significatif, et lourd de conséquences, pour le chef libéral lui-même, mais aussi pour son parti, qui devra panser ses plaies et se préparer à des lendemains difficiles.

Les libéraux ont subi une légère érosion de leur appui populaire, en ne récoltant que 27% des voix. Ce n'est pas une baisse énorme par rapport aux 30,2% obtenus en 2006, mais c'est le pire score de l'histoire de ce parti, avec celui de John Turner. Les libéraux ont perdu 28 sièges, et leur dégringolade, sans donner la majorité aux conservateurs, assure leurs adversaires d'une assez belle victoire et leur donne un mandat plus solide que celui des dernières élections. 

Ces résultats amèneront certainement les libéraux à une réflexion sur le leadership de leur formation politique, dans un parti dont les militants ne pardonnent pas l'échec. Car ce qui est sans appel, c'est que les libéraux ne peuvent pas invoquer de circonstances atténuantes pour leurs résultats décevants. Aucun événement extérieur, aucune injustice du sort qui pourrait expliquer leur performance.

M. Dion, dans cette campagne, n'avait pas à composer avec l'usure du pouvoir qui a hanté son prédécesseur Paul Martin, ni avec la crise des commandites. Il n'avait pas non plus à affronter un grand élan national au Québec et un rejet du Canada. Pas d'événement extérieur non plus, comme la crise financière, dont la principale victime est le parti qui exerce le pouvoir. Pas de jeux politiques injustes, comme la dynamique à cinq, notamment dans les débats des chefs, où les conservateurs se retrouvaient à un contre quatre.

Les libéraux ne peuvent même pas expliquer leurs reculs par leur ennemi traditionnel au Québec, le Bloc québécois. Car le PLC n'avait pas grand espoir au Québec, une province où il était bon troisième, avec un chef mal placé pour conquérir une province où il n'est pas populaire. Pourtant, ses appuis ont un peu augmenté, de 21% à 23%, et il conserve le même nombre de sièges. À la limite, les libéraux ont peut-être souffert par la bande de toute la mobilisation contre les coupures dans les arts.

La défaite libérale s'est consacrée en Ontario, où s'affrontaient deux chefs, Stéphane Dion et Stephen Harper, dans un face-à-face sans interférence, dans une province où les libéraux détenaient un avantage. Et cette bataille, c'est le chef libéral qui l'a perdue. L'appui pour son parti est baissé de 40 à 33%, tandis que celui des conservateurs passait de 35 à 40%. Les libéraux y ont perdu 16 sièges, les conservateurs en ont ravi 11.

Pourquoi? D'une part, on note que les libéraux n'ont pas pu vraiment réussir à se présenter comme un rempart contre les conservateurs. La stratégie de la peur a surtout profité au Bloc québécois qui, malgré un tassement vers la fin, a fait bien mieux qu'il l'espérait en début de campagne. Le NPD aussi a fait des progrès, en appui populaire au Québec et en sièges en Ontario.

Mais plus profondément, cela montre que le PLC n'a pas su occuper la place qui est historiquement la sienne, celle d'un parti de centre. Il a flirté sur la gauche, sans le moindre succès. Et n'est s'est pas imposé bien au centre de l'échiquier où il y a manifestement de la place. Les résultats d'hier montrent en effet que les conservateurs, s'ils ont remporté 144 sièges, un gain de 20 circonscriptions, n'ont pas du tout progressé en termes de suffrages populaires. Leurs appuis, à 37%, ont augmenté de moins d'un point de pourcentage, ce qui indique un certain plafonnement et une incapacité des conservateurs à élargir leur base électorale.

À quoi est-ce dû? Il est difficile de départager ce qui est attribuable à l'homme, au message ou au parti. Mais il est assez clair que M. Dion n'a pas manifesté les qualités que l'on attend d'un chef et d'un futur premier ministre. Il ne s'agit pas de manque de charisme, un attribut qui n'est pas indispensable. Mais une absence de leadership, ce talent indéfinissable qui permet de convaincre des gens de vous suivre et de vous faire confiance. Et une absence de sens politique, qu'on a pu voir avec l'échec du Tournant vert.

Mais, il est également clair que ce parti, usé par le pouvoir, encore divisé, n'a pas terminé son purgatoire et est loin d'avoir réussi son processus de renouvellement. M. Dion n'est certainement pas responsable de cette situation, mais il en est un symptôme. Ce parti, malade, avait choisi le mauvais chef. On en voit maintenant le résultat.