C'est parti, mon kiki. Les Québécois se retrouvent encore en campagne électorale. Cette fois-ci pour entendre parler d'économie. C'est du moins l'intention de celui qui l'a déclenchée, le premier ministre Jean Charest. Mais maintenant que le bal est parti, il lui sera bien difficile de contrôler comme il le veut les thèmes de la campagne.

Et il y a une bonne raison de croire que l'économie ne restera pas au coeur des débats jusqu'au 8 décembre. C'est la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, qui l'a fournie dans son énoncé économique de mardi: l'économie ne va pas assez mal pour capter longtemps toute l'attention.

 

Le tableau qu'elle brosse de la situation est sombre, mais il n'y a pas de tsunami à l'horizon. La ministre prévoit que le Québec résistera bien à la crise financière et à la récession mondiale et s'en tirera avec un ralentissement sérieux, mais pourra éviter la récession. Les temps seront difficiles, mais sans aller jusqu'à la crise ou à l'effondrement. La demande intérieure va tenir le coup, l'emploi va continuer à croître, quoiqu'à un rythme très lent.

Il est assez évident que le débat sur l'économie dépendra de notre analyse de la situation; c'est le diagnostic qui définira le degré d'urgence et le type de solutions. Il faut souhaiter que les partis de l'opposition partagent la lecture de Mme Jérôme-Forget. Les prévisions du ministère des Finances rejoignent celles de la majorité des spécialistes. C'est aussi un scénario proche de celui que j'ai décrit dans plusieurs de mes chroniques. Un scénario qui suggère des interventions sobres et ciblées, et qui ne justifie pas de surenchères alarmistes.

On peut espérer aussi que, dans les rangs de l'opposition, l'on acceptera que les finances publiques soient en bon état. Le vérificateur général critique les méthodes comptables du gouvernement et affirme que le Québec est en déficit. Soit. Mais c'est un débat de comptables, sans intérêt dans le contexte actuel. Au plan économique, ce qui est important de savoir, c'est s'il y a une détérioration des finances publiques et une perte de contrôle. Ce n'est pas le cas. Il n'y a ni explosion des dépenses ni effondrement des revenus. Dans le débat qui nous occupe, c'est ça qui compte.

Il faut enfin noter que le gouvernement libéral a fait des gestes carrément providentiels pour enrayer le ralentissement, avec les baisses d'impôt d'il y a deux ans et les grands travaux d'infrastructures. C'étaient les bonnes choses au bon moment, dont le plein impact se fait sentir maintenant, quand on en a besoin. Mais il est faux d'affirmer que ces interventions avaient pour but de lutter contre un ralentissement. En juin 2007, quand elles ont été annoncées, on pensait que l'économie se porterait bien en 2008.

Mais tout cela soulève une question. Si l'économie québécoise semble être en mesure de traverser la tourmente et si ses finances publiques sont solides, pourquoi diable des élections? Le premier ministre Charest peut difficilement invoquer l'urgence de la situation.

L'économie est plutôt un prétexte. Le premier ministre a déclenché des élections parce qu'il souhaite former un gouvernement majoritaire et qu'il estime pouvoir y arriver. Cela n'a rien de scandaleux. Nous sommes moins bien dirigés quand le gouvernement est minoritaire, qu'il est l'otage de l'opposition, qu'il peut être renversé à tout moment.

Mais M. Charest, en ce faisant, prend un risque calculé. Parce qu'en soulignant les avantages d'un gouvernement majoritaire, stable et responsable, il peut aussi favoriser le Parti québécois. Surtout que cette campagne électorale risque fort d'être une lutte à deux, entre libéraux et péquistes. Bien sûr, Mario Dumont peut toujours nous surprendre et rebondir, mais le vrai débat se fera entre Jean Charest et Pauline Marois.

Le chef adéquiste s'est déjà disqualifié tout seul avec son ridicule plan de 1 milliard pour soutenir le pouvoir d'achat des classes moyennes, notamment par des avantages fiscaux pour leurs hypothèques. Il n'y a pas de détérioration du pouvoir d'achat au Québec. C'est comme si M. Dumont avait plaqué sur le Québec la situation américaine.

C'est amateur et c'est bâclé. Ce qui nous rappelle que l'ADQ reste immature et inapte à diriger un gouvernement.

Et cela nous ramène au fait qu'il y a, au Québec, deux partis capables de former un gouvernement, de réunir une équipe de qualité, et dont les chefs ont l'expérience et la compétence pour devenir premier ministre, et qui peuvent proposer des plans crédibles pour soutenir l'économie québécoise.