Les résultats de la Caisse de dépôt et placement du Québec sont mauvais. La Caisse aurait pu, et aurait dû, faire mieux. Il faut comprendre pourquoi c'est arrivé. Et prendre les moyens pour que cela n'arrive plus.

Cela justifie très certainement un exercice de réflexion publique, comme une commission parlementaire, à condition que celle-ci ne se transforme pas en cirque. C'est très mal barré. On en sent déjà les premiers signes: l'indignation théâtrale, le climat de chasse aux sorcières - ou plutôt aux sorciers - et surtout, une politisation extrême qui ne nous mènera nulle part. Si on veut que la réflexion soit utile, il faut poser le débat de la bonne façon.

 

Tout d'abord, on devrait dédramatiser les choses, en cessant de croire que le cas de la Caisse est unique. La crise financière est majeure. Tout le monde a perdu beaucoup d'argent. Tout le monde a connu les pires rendements depuis des décennies. En gros, avec un rendement négatif de 25%, la Caisse a vu son actif fondre de 40 milliards. Si la performance de la Caisse avait été dans la moyenne canadienne, dont le rendement a été de moins 18,5%, elle aurait plutôt perdu 30 milliards. Ce qui est également énorme.

Le débat ne devrait pas porter sur ces 40 milliards, mais sur cette différence de 10 milliards. Les résultats ne sont pas scandaleux. Ils sont médiocres. En gardant cependant en mémoire que, les quatre années précédentes, ses résultats étaient excellents. Et que cette perte est en bonne partie une perte sur papier.

Il faut ensuite dépolitiser le débat. On connaît les thèses de l'opposition. Les déboires de la Caisse s'expliqueraient par le fait que le gouvernement Charest a changé son mandat en 2003, pour privilégier le rendement. Le gouvernement aurait ainsi exercé des pressions indues qui auraient mené à une «folie des rendements». Ce serait donc la faute du gouvernement libéral.

C'est un débat surréaliste. Parce qu'en partant, si la Caisse avait un mandat de rendement, elle l'a manifestement mal rempli. Ensuite, parce qu'on n'a pas décelé de changement dans la philosophie de la Caisse. Tous les patrons de la société d'État, depuis 20 ans, peu importe le gouvernement, ont défini leurs objectifs de la même façon: battre les indices, se classer parmi les premiers.

Mais surtout, dans ce débat, il semble y avoir une confusion entre le concept de gestion du risque et le concept de comportement risqué.

L'image que l'on colporte, c'est que la Caisse s'est comportée en cow-boy pour faire plus d'argent. Mais ce n'est pas ce qui s'est passé dans les deux cas qui expliquent ses mauvais résultats.

On s'imagine que les PCAA étaient un produit risqué, mais payant. Ils n'étaient ni l'un ni l'autre. La Caisse croyait acquérir des titres sûrs, cotés triple AAA, attrayants non pas pour leur rendement élevé, mais pour leur liquidité. C'était une erreur, qui lui coûte 4 milliards, mais elle ne s'explique pas par l'appât du gain, mais plutôt par une mauvaise analyse. Quant à l'autre décision coûteuse, une protection contre les fluctuations de change, qui a coûté 9 milliards, c'était une stratégie de grande prudence. Dans aucun des deux cas, il n'y avait une mécanique de rendement à tout prix.

Les déboires de la Caisse soulèvent cependant une foule de questions: sur la gestion du risque, sur les causes d'une performance décevante, sur la nature de l'indépendance de l'institution, sur la définition du rendement optimal, sur les liens avec les déposants, sur les risques du gigantisme. Oubliez tout ça! Ce à quoi nous aurons droit, c'est à un bon gros débat partisan.