Les très mauvais résultats de la Caisse de dépôt ont déclenché un mouvement de colère et d'indignation à l'égard des dirigeants de la société d'État, mais aussi à l'égard du gouvernement Charest.

La colère est compréhensible. Il y a quelque chose qui n'a pas fonctionné, il y a des gens qui ont commis des erreurs. Les gens veulent savoir qui est responsable du gâchis, qui en est coupable. Il y a quelque chose d'irrationnel à ce que cette colère se dirige vers le gouvernement. Mais c'est probablement inévitable, pour trois raisons.

 

Tout d'abord, parce que la Caisse de dépôt est une société d'État et que ses activités se situent donc dans la sphère politique. C'est d'autant plus vrai qu'il y a un débat de nature idéologique sur ce que doit être le rôle de la Caisse dans la société québécoise. Au Québec, parce que l'État est très présent, une foule de débats deviennent très politiques, comme les factures d'électricité ou les services que peut offrir une clinique médicale.

Ensuite, parce que nos traditions politiques font que l'on reproche au gouvernement les erreurs qui se commettent dans l'appareil d'État. De la même façon que l'on critiquera le ministre de la Santé pour une contamination bactérienne dans un hôpital, on attribuera au gouvernement la responsabilité de mauvais résultats de la Caisse, même s'il n'était pas au courant de sa gestion quotidienne. Les libéraux ont fait pareil et ont déjà sévèrement critiqué le gouvernement péquiste pour les mauvais résultats de la Caisse.

Enfin, parce que nous sortons tout juste d'une campagne électorale où les résultats de la Caisse de dépôt ont été un enjeu important. Ce à quoi nous assistons maintenant, c'est au prolongement de la campagne électorale. Durant la campagne, le premier ministre Charest s'est piégé en faisant la langue de bois et en jurant sur tous les toits qu'il ne savait rien sur les résultats de la Caisse.

Le gouvernement est maintenant piégé parce que les gens ne peuvent pas accepter qu'un gouvernement soit tout à fait impuissant dans une situation comme celle-là. Ils ne peuvent pas comprendre que le gouvernement n'était pas au courant de l'achat massif de PCAA par la Caisse. Mais dans les faits, le gouvernement, tout comme le conseil d'administration, ne connaissait pas le détail des décisions de placement. C'est le genre de choses que le pouvoir politique découvre quand ça va mal, et donc quand il est trop tard. À plus forte raison, le gouvernement était tout aussi impuissant face à la crise financière mondiale, qui explique, rappelons-le, 30 des 40 milliards de la réduction des actifs de la Caisse.

Ce que le gouvernement peut faire, c'est de nommer les bonnes personnes, le président, et les membres du conseil d'administration, et de bien définir le mandat qu'il leur confie. L'opposition péquiste peut difficilement critiquer le choix du président, Henri-Paul Rousseau, puisque c'est le gouvernement du PQ qui l'a nommé. Elle peut cependant se rabattre sur le mandat, que le gouvernement libéral a redéfini.

En fait, le gouvernement intervient après coup, quand le mal est fait, et qu'il faut apporter des correctifs. Nous en sommes là. En principe, cela devrait mener à une réflexion sérieuse, sur la direction de la Caisse, sur les changements qu'il faut apporter à la façon dont cette institution est dirigée.

Mais le jeu politique cherchera plutôt à faire dévier le débat pour faire porter le chapeau au gouvernement. Cela risque fort d'avoir des échos dans la population, parce que nous sommes au coeur d'une crise et que nous avons sans doute besoin de coupables.