C'est reparti! Des écolos américains se mobilisent contre les exportations vers les États-Unis d'hydroélectricité québécoise. Des groupes environnementaux et certains de leurs alliés, américains et québécois, iront même rencontrer la semaine prochaine des politiciens de l'État de New York pour faire du lobbyisme contre l'électricité québécoise.

Ce mouvement, dont faisait état vendredi mon collègue François Cardinal, laisse songeur. Plus que ça, en fait: il tombe un peu sur les nerfs. Parce que c'est un regroupement hétéroclite où le mélange de militantisme rigide, de défense d'intérêts particuliers, de protectionnisme primaire ne sent pas très bon.

 

Qui en fait partie? Le Sierra Club, groupe environnemental respecté, des autochtones du Québec, qui ne sont pas là pour sauver la planète mais plutôt pour bâtir leur rapport de forces dans leurs négociations avec le gouvernement québécois, l'Appolo Alliance, une organisation syndicale-patronale qui milite pour la création d'emplois verts et dont la présence pue le protectionnisme primaire - protéger des jobs américaines contre l'intrusion du Nord. Et des Québécois, comme le Centre Helios, qui semble croire que la meilleure façon de mettre en valeur l'éolien au Québec est d'essayer de nuire aux États-Unis à l'hydroélectricité québécoise.

Avec, bien sûr, cette tendance - suprêmement agaçante - de s'occuper de la paille dans l'oeil du voisin. On se souvient de Robert Kennedy Jr., qui voulait protéger nos rivières, ou de Paul McCartney qui fait des bisous à nos phoques.

Si ce débat a lieu maintenant, c'est que le Québec accélère ses investissements. On le voit avec le feu vert que le BAPE vient de donner à l'aménagement de la Romaine, mais surtout que les États-Unis, avec le président Obama, amorcent un virage vert, pour réduire leur dépendance pétrolière et réduire les émissions de GES. Les Américains, dans cet effort, pourraient être intéressés à l'hydroélectricité. C'est dans ce contexte qu'Ottawa et Québec font des pressions pour que l'électricité des grands barrages soit reconnue aux États-Unis comme une énergie verte, ce qui n'est actuellement pas le cas. Et cet enjeu déclenche un débat qui est à la fois idéologique et commercial.

Les environnementalistes ont raison de dire que cette électricité n'est pas verte comme l'éolien, la géothermie ou le solaire. Les grandes centrales hydroélectriques exigent la création de réservoirs, des détournements de rivières qui modifient le paysage, qui perturbent la faune, la flore et l'activité humaine, qui libèrent du mercure et provoquent des émissions de carbone dans les premiers temps. Des interventions massives, pas neutres, même si on tente d'en amoindrir les impacts.

Il est donc évident qu'un virage vert doit d'abord privilégier les interventions les plus vertes, les économies d'énergie en premier lieu, ensuite les sources d'énergie les moins intrusives: éolien, solaire, géothermie.

Mais il est parfaitement possible de militer en faveur de ces énergies très propres sans partir en guerre contre l'hydroélectricité. C'est même essentiel. Parce que l'ennemi, c'est le charbon: 48% de l'électricité aux États-Unis est produite avec du charbon, une source considérable de GES et de polluants.

L'enjeu est là. Et les sources purement vertes n'arriveront pas à éliminer cette cochonnerie. À moins de croire aux contes de fées sur la capacité des éoliennes de remplacer des centrales hydroélectriques, même quand le vent tombe.

Si l'objectif est de réduire les GES et de lutter contre le réchauffement climatique, l'allié le plus puissant pour déplacer le charbon, en matière de quantité, de fiabilité, et de propreté, c'est l'hydroélectricité: une énergie renouvelable, dont la production est propre et qui ne nuit pas à l'environnement après le choc initial.

Mais pour accepter cela, il faut s'affranchir du simplisme militant, avec sa vision en noir et blanc. Il faut être capable de marcher et de mâcher de la gomme en même temps.