Un juge de la Cour fédérale vient d'ordonner au gouvernement Harper de demander le plus rapidement possible aux autorités américaines le retour du jeune Omar Khadr, le seul détenu canadien à la base américaine de Guantánamo.

Et qu'a fait notre premier ministre? Il a dit que la position de son gouvernement dans ce dossier n'avait pas changé - c'est-à-dire de confier le sort du jeune détenu à la justice américaine - et il a laissé clairement entendre qu'il porterait ce jugement en appel.

 

Sur le plan des principes, de la morale et du droit, l'entêtement du gouvernement conservateur à ne pas reconnaître ce que le juge James W. O'Reilly décrit comme un «principe de justice fondamentale», est tout simplement honteux. Au plan politique, cet entêtement est si insensé qu'il en devient suicidaire. Car Stephen Harper se retrouve à défendre l'un des chapitres les plus odieux du règne de George W. Bush.

Résumons rapidement l'histoire. Omar Khadr est le cadet d'une famille de terroristes, entraînés par son père, un proche d'Oussama ben Laden qui a fini par trouver la mort. Il a été arrêté en 2002 dans une escarmouche en Afghanistan dont il a été est le seul survivant. On l'accuse d'avoir lancé la grenade qui a tué un soldat américain. Il avait 15 ans à l'époque. Il est interné à Guantánamo depuis ce temps. Il a maintenant 22 ans. Après avoir fait des pressions pour s'assurer de son bien-être, les représentants du gouvernement canadien ont participé à des interrogatoires où le garçon a été soumis à une forme de torture, la privation de sommeil.

Le système judiciaire auquel le gouvernement Harper fait confiance est une mascarade. Les prisonniers ont été définis comme des «combattants illégaux», un concept que ne reconnaît pas le droit international. On les a emprisonnés à Guantánamo, une enclave américaine à Cuba, pour qu'ils puissent échapper au système de droit américain. On a inventé de toutes pièces une procédure de justice militaire complaisante. On a soumis des prisonniers à un régime de torture cautionné par la Maison-Blanche. En outre, dans le cas d'Omar Khadr, très clairement un enfant-soldat, on a bafoué toutes les règles internationales qui protègent ces jeunes.

Ce système, les États-Unis ne le soutiennent plus. Le président Obama, le jour de sa prestation de serment, a annoncé la fermeture de Guantánamo. Il a stoppé les procédures judiciaires. Il a condamné le recours à la torture. Ce sont ces pratiques que le premier ministre Harper continue de défendre. Comme si les dérapages, peut-être compréhensibles au lendemain du 11 septembre, étaient encore justifiables. Comme s'il voulait porter le flambeau de George W. Bush.

Mais pourquoi donc? L'argument officiel du gouvernement conservateur, c'est la crainte d'indisposer les Américains en demandant le rapatriement d'Omar Khadr. Un argument absurde quand on voit à quel point l'administration Obama veut se distancer de toutes ces pratiques.

Peut-être qu'Ottawa craint également de paraître mou face au terrorisme. Encore là, il n'y a rien de très convaincant à s'acharner sur un enfant qui n'était certainement pas un cerveau du terrorisme international. C'est d'autant plus fou que le Canada est maintenant le seul pays civilisé qui n'a pas rapatrié ses ressortissants détenus à Guantánamo. Même l'allié fidèle qu'est la Grande-Bretagne a récupéré ses ressortissants depuis belle lurette.

La position conservatrice est à ce point dénuée de logique qu'elle nous force à la spéculation. L'entêtement proverbial d'un gouvernement qui n'aime pas admettre ses erreurs? L'allergie à la culture des droits et aux décisions imposées par les tribunaux? Peut-être. Mais il est très difficile d'écarter l'autre explication, celle de l'aveuglement idéologique d'un partisan de la ligne dure.