Le niveau d'emploi a augmenté au mois d'août: 8300 au Québec et 27 100 dans l'ensemble du Canada. Ces données renforcent l'idée qu'il y a eu un revirement et que nous sortons de la récession. Elles montrent également à quel point le Québec a été moins touché par la crise que le reste du Canada et que la plupart des économies occidentales.

Il y a eu un petit miracle au Québec, qui mérite d'être souligné, même lourdement. Pour trois raisons. Premièrement, on critique si souvent - moi le premier - la sous-performance de l'économie québécoise, qu'il est important de parler de ses succès. Deuxièmement, ce succès relatif, et quand même étonnant, nous force à jeter un regard nouveau sur les forces et les faiblesses de notre économie. Troisièmement, le fait que les entreprises, les consommateurs, les travailleurs québécois aient été moins malmenés et moins fragilisés peut nous aider à mieux relever les défis de l'après-crise.

 

On mesure souvent la gravité d'une récession par son impact sur l'emploi. Entre le sommet d'avant la récession et son creux, en juillet, le Québec a perdu 70 000 emplois, dont 8300 ont été retrouvés en août. Le chômage, qui atteint maintenant 9,1%, peut augmenter encore, et il faudra du temps pour le ramener au niveau de 7% que nous avons connu.

Mais cette baisse du nombre d'emplois, de 1,6%, est bien plus faible que la chute de 3,5% qui a frappé l'Ontario et celle de 2,4% pour le Canada. Et surtout, on est très loin de la récession de 1981 qui avait fait disparaître 8,3% des emplois ou celle de 1991 qui en avait emporté 4,7%.

Pourquoi? Il y a plusieurs séries de facteurs. Certains sont liés au hasard, comme le «timing» providentiel des travaux d'infrastructures du gouvernement Charest, ou encore le fait que certains secteurs, comme la forêt, avaient été frappés deux ans plus tôt. D'autres reflètent ce que l'on pourrait appeler l'envers de la médaille: une présence importante de l'État devient un avantage en période de crise, ou encore une absence de dynamisme économique nous protège contre les pièges de la prospérité, comme les bulles immobilières. D'autres facteurs sont liés à notre structure industrielle, qui s'est diversifiée, qui s'est modernisée, qui s'est débarrassée de ses canards boiteux, et qui n'est pas trop dépendante d'un seul secteur, comme l'Ontario avec l'automobile.

Dans l'ensemble, on peut dire qu'on a évité le pire, non pas parce que l'économie est très performante, mais parce qu'elle est résiliente. Ce n'est pas rien. Mais ce n'est pas assez. La récession nous a tellement préoccupés qu'on a peut-être oublié que le Québec avait de sérieux problèmes économiques avant la crise. Ils sont toujours là. Et ils sont encore plus aigus.

On peut bien sûr se consoler que le Québec réduira l'écart de niveau de vie avec l'Ontario et les États-Unis. Pas parce que nous avons progressé, mais parce que les autres ont plus reculé. Cette illusion de succès ne doit pas masquer le fait que les finances publiques, déjà en crise, le seront encore davantage. Que les échéances démographiques, notamment une baisse prochaine de la main-d'oeuvre, avec son effet négatif sur le potentiel de croissance, restent essentiellement les mêmes. Ou que la productivité, trop basse avant la récession, l'est tout autant après.

Notre résilience nous confère un avantage à condition de s'en servir comme d'un levier. Il est certainement plus facile de rebondir quand on n'est pas par terre. Mais n'oublions pas que nous ne sommes pas seuls et que tous les pays se préparent à l'après-crise, que tous les pays veulent profiter de cette sortie de crise pour se donner un nouvel élan.