Statistique Canada révélait, vendredi dernier, que le taux de chômage est passé de 8,4% à 8,6% de septembre à octobre. Le chômage monte même si la reprise est amorcée. Un bel exemple du fait qu'une récession laisse des traces longtemps.

Si on s'entend pour dire que la mesure la plus fidèle de la gravité d'une récession est le nombre d'emplois perdus, il faut conserver cette logique jusqu'au bout. La victoire contre la récession, ce n'est pas quand la reprise s'amorce, mais quand on a restauré l'ensemble des emplois qui ont été perdus.

 

Il y a d'habitude un décalage entre le début de la reprise et le redémarrage du marché du travail. Pourquoi ce délai? Parce que plusieurs entreprises et plusieurs secteurs ont à ce point été malmenés par la récession qu'ils sont incapables de retrouver leur rythme normal. Les faillites, par exemple, continuent à être nombreuses. Et parce que les entreprises qui commencent à aller bien n'auront pas tendance à recourir à l'embauche, et voudront, dans un premier temps, fonctionner avec les ressources dont elles disposent.

L'incertitude, aussi, joue un rôle, quand la reprise reste incertaine et cahoteuse. On n'embauche pas tant que l'on n'est pas certains de la stabilité du climat économique.

On le voit au Québec. On a perdu 70 000 emplois entre le sommet de novembre 2008 et le creux de juillet 2009. Depuis, on n'est pas loin du surplace: plus 8700 emplois en août, moins 3500 en septembre, plus 1400 en octobre. Dans «Le point sur la situation économique et financière du Québec», le ministre des Finances Raymond Bachand prévoit créer 45 000 emplois d'ici la fin de 2010. C'est donc dire qu'en 2011, il restera encore 25 000 emplois à créer. Ce n'est donc pas avant la mi-2011 que l'on sera revenu au niveau d'avant la récession.

Si ça peut nous consoler, cette récupération, sur environ 24 mois, est plus rapide que celles que nous avons connues lors des deux récessions précédentes. En 1981, il a fallu 33 mois de reprise pour retrouver les 235 000 emplois perdus. En 1991, ce n'est qu'au bout de 49 mois qu'on a retrouvé les 149 000 emplois disparus.

Voilà pour la quantité. Parlons maintenant de qualité. Officiellement, on a perdu 70 000 emplois. Mais il s'agit d'un total, qui masque des mouvements d'emplois massifs. Bien plus que 70 000 personnes qui ont été touchées. Il y a le cas de tous ceux qui ont été mis à pied et qui se sont trouvé un autre emploi, parfois à temps partiel, souvent moins intéressant et moins payant. Il y a les familles où le chômage a forcé un autre membre de la famille à se trouver un emploi. Il y a tous ceux qui ont subi une baisse de salaire.

C'est ce que mesure un indice de la qualité de l'emploi, mis au point par la CIBC, qui tient compte de la distribution entre l'emploi à temps plein et le travail à temps partiel, les travailleurs autonomes versus les emplois rémunérés, la compensation salariale par secteur. Cet indice a baissé de 3,8% au Canada et au Québec depuis mars.

Tout cela nous rappelle que la reprise, ce n'est pas un état, mais un processus, qui commence par un revirement, et qui se poursuit ensuite par un rattrapage. On peut en mesurer le succès de façon quantitative, par la création d'emploi et la baisse du taux de chômage. Mais le véritable retour à la normale n'aura lieu que lorsque la qualité sera au rendez-vous, c'est-à-dire lorsque les citoyens auront retrouvé les conditions de travail qu'ils avaient avant le déclenchement de la récession.