Le premier ministre Jean Charest a annoncé que son gouvernement visait une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20% au Québec d'ici 2020. Les groupes environnementaux se sont empressés de dire que ce n'était pas assez, et qu'il fallait plutôt viser 25%.

Les cibles de réduction des GES jouent un rôle important dans les politiques environnementales, parce que sans objectifs précis, on n'arrivera à rien. Mais les consultations et les débats publics sur ces cibles sont assez futiles. Parce qu'on n'y comprend pas grand-chose, sauf ceux qui suivent ces dossiers de très près. Il y a des chiffres que l'on comprend, comme la limite de vitesse sur une autoroute, la température sur un thermostat, mais d'autres qui ne veulent rien dire, comme le taux de la dette sur le PIB, ou le pourcentage de réduction de GES.

 

Ce débat est futile pour une autre raison. Rien de plus facile que d'annoncer une cible. Ce qui est difficile, c'est de la respecter. On a tous en mémoire l'exemple du Canada, qui a solennellement adhéré au protocole de Kyoto et qui, par la suite, n'a rien fait pour atteindre les objectifs qu'il s'était engagé à respecter.

L'important, ce n'est pas de le dire, mais de le faire. Le vrai débat devra porter non pas sur les cibles, mais sur quelque chose de bien plus concret: les moyens qu'il faudra déployer pour les atteindre, leur coût, leurs conséquences, leur impact sur nos habitudes de vie et sur le fonctionnement de l'économie.

Si un sondage, cette semaine, interrogeait les Québécois sur la cible de réduction des GES qu'ils privilégient, je mettrais ma main au feu qu'ils choisiraient très majoritairement celle du 25%. Et si, quelques questions plus tard, on leur demandait s'ils sont d'accord avec une hausse des tarifs d'électricité, ils répondraient très probablement «NONNNN!!!». Et si on cherchait à savoir quelle hausse du prix de l'essence ils sont prêts à supporter pour sauver la planète, que répondraient-ils: 3¢ le litre, 4,4¢, 8,5¢, 12,7¢ ou plus de 15¢? ( Pour réussir à réduire les GES de 20%, Québec prévoit une hausse de 12,7¢ le litre. Pour 25%, ce serait plus de 15¢.)

Et donc, est-ce que 20%, c'est assez? Je ne suis pas un spécialiste. Je note toutefois que c'est la cible de l'Union européenne, en avance sur nous en la matière. Je note que ce serait l'effort le plus ambitieux en Amérique du Nord. Je note aussi que le fait que les groupes environnementaux réclament davantage n'est pas surprenant; c'est dans leur nature de tirer vers le haut. Je note enfin que le PQ dénonce la mollesse du gouvernement, ce qui est dans l'ordre des choses. C'est le rôle d'un parti de l'opposition de s'opposer, d'autant plus qu'il n'a pas à supporter l'odieux de mesures impopulaires.

Il semble donc que le projet du gouvernement libéral soit assez ambitieux, même si certains pays, comme la Suède et la Norvège, le sont davantage. D'autant plus que le gouvernement Charest dit être prêt à aller plus loin. Mieux vaut une cible réalisable qu'on peut dépasser que l'inverse, une cible trop ambitieuse que l'on n'atteint pas.

Il faut aussi tenir compte du fait que si, à l'heure actuelle, le Québec est en avance à l'échelle du continent pour ses émissions de GES, c'est moins en raison de notre détermination, que grâce au hasard de notre géographie qui a voulu que nous dispositions d'énormes réserves hydroélectriques. Mais dans les années à venir, les progrès exigeront de plus en plus d'efforts.

Dans le document de consultation déposé le mois dernier par la ministre Line Beauchamp, on met jusqu'à un certain point la charrue devant les boeufs. On est vague sur les moyens. Et c'est là que ça va se jouer. Car le succès des efforts du Québec reposera sur deux phénomènes liés, la volonté politique et l'acceptation sociale.