Sur les plans énergétique et environnemental, ce qui distingue le Québec, ce sont ses réserves d'hydroélectricité, verte et renouvelable. C'est cette électricité qui nous permet d'afficher un meilleur bilan que nos voisins pour les émissions de gaz à effet de serre. C'est le fait que le Québec est le quatrième producteur d'hydroélectricité au monde qui rendra le premier ministre Jean Charest intéressant, lorsqu'il sera à Copenhague. Et c'est cette électricité qui permettra au Québec de faire sa principale contribution à la lutte contre le réchauffement planétaire.

Et pourtant, dans le débat sur les cibles de réduction de GES du Québec, on ne parle pas d'électricité. Bizarre. Non? On devine pourquoi. Pour que l'électricité puisse pleinement jouer ce rôle essentiel, il faudra absolument cesser de subventionner la surconsommation, et donc augmenter substantiellement les tarifs. Or, comme on sait, c'est un sujet tabou.

 

Cela nous mène à une situation surréaliste où un gouvernement qui veut être ambitieux dans la réduction des émissions de GES, et une opposition qui trouve que le gouvernement ne va pas assez loin, réussissent à ne jamais parler d'une mesure qui aurait un impact significatif pour contrer le réchauffement planétaire. Et les groupes environnementaux, sans doute pour rester populaires, sont plus que discrets sur la question. Bref, on se gargarise, on se pète les bretelles, et on ne parle pas des vraies affaires. Mais si les Québécois veulent vraiment que le Québec soit vert, ils doivent être logiques avec eux-mêmes.

Ça fait longtemps que j'écris là-dessus. Je ne suis pas le seul. Les économistes et les spécialistes de l'énergie décrivent nos tarifs d'électricité comme une aberration. Cette aberration devient un scandale dans le contexte du réchauffement climatique. Et voilà pourquoi ça fait plaisir de voir deux spécialistes de l'Université Laval, Jean-Thomas Bernard et Jean-Yves Duclos, revenir à la charge dans une étude faite pour l'Institut C. D. Howe.

Pourquoi augmenter les tarifs? Parce qu'on ne peut pas sérieusement réduire la consommation d'énergie sans des hausses de prix. C'est en fait la même logique que pour les produits pétroliers, dont on ne pourra pas réduire l'utilisation sans taxer le carbone, c'est-à-dire l'essence, le mazout et le gaz.

Mais pourquoi faudrait-il réduire la consommation d'électricité, si celle-ci est propre? Parce qu'il est difficile de rentabiliser l'introduction de mesures d'économie ou de sources d'énergie de rechange, quand le prix de l'hydroélectricité est anormalement bas. Parce que les nouvelles sources d'hydroélectricité et d'énergie éolienne seront plus coûteuses.

Et surtout, parce que cette énergie économisée peut être exportée. Notre énergie propre peut ainsi réduire des sources d'énergie qui génèrent beaucoup de GES, comme les centrales au charbon du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario ou des États-Unis. Déjà, le gouvernement Charest a amorcé le mouvement en relançant de grands travaux, ce qui permet d'augmenter nos exportations. Il faut aller au bout de cette démarche, en augmentant le potentiel d'exportations par des économies, et donc en augmentant les tarifs.

Pas facile à vendre. En partant, les gens ne veulent pas de hausses de tarifs. Ils en voudront encore moins si on leur demande de payer plus cher pour exporter davantage. En outre, ça ne paraîtrait même pas dans nos chiffres. Quand le Québec exporte son électricité, ce ne sont pas les émissions de GES québécoises qui baissent, mais celle des voisins, un détail agaçant si on ne regarde pas les choses d'un point de vue global.

Bien sûr, l'idée n'est pas politiquement rentable. Mais le contexte offre à nos politiciens une occasion unique de renverser la tendance et de faire accepter des hausses de tarifs qui, jusqu'ici, avaient soulevé un tollé. Ils ont maintenant un argument de poids: Copenhague.