Stephen Harper ira à Copenhague. Voilà une chose réglée. Et comme les faméliques cibles canadiennes de réduction des émissions de gaz à effet de serre sont proches de celles du président Obama, qui sera aussi à Copenhague, le Canada pourra peut-être passer inaperçu lors de cette rencontre et éviter d'être trop montré du doigt comme le gros méchant du réchauffement climatique.

Voilà pour l'image. Sur le fond, le problème reste entier. Les cibles canadiennes, une réduction de 3% des GES d'ici 2020, sont très modestes alors que l'Europe et le Québec visent 20%. Et ce qui est encore plus désolant, c'est que le gouvernement canadien ne sera probablement même pas capable d'atteindre ses objectifs.

 

La preuve, on l'a eue avec les réactions conservatrices à une étude financée en partie par le Groupe Financier TD, qui avait pour but de mesurer l'impact économique des politiques qu'il faudra mettre en place pour atteindre les objectifs canadiens de réduction des GES. C'est le genre d'exercice que le gouvernement du Québec a déjà fait pour la province.

L'étude a été réalisée par deux groupes environnementaux, la Fondation David Suzuki, et l'Institut Pembina, qui ont identifié les mesures les plus efficaces pour atteindre ces objectifs. C'est une firme d'économistes à laquelle le gouvernement a déjà fait appel, M. K. Jaccard, qui a fait les simulations économiques. La Banque TD, sans appuyer ses conclusions, estime que l'étude fournit une bonne base de discussion.

Selon les deux groupes écologistes, pour réussir à réduire les émissions de 3% d'ici 2020, il faut d'abord mettre un prix sur le carbone, soit par une taxe, soit par un mécanisme de «cap and trade». Il faudrait aussi des mesures sévères pour rendre les nouveaux bâtiments verts, adopter les normes d'émission d'automobiles de la Californie, réduire les émissions sur les sites de production pétrolière, et investir massivement dans les transports en commun.

L'ensemble de ces mesures aurait un effet assez limité sur la croissance, qui serait de 25% pour la période 2010-2020, plutôt que de 27%. Par contre, l'impact régional serait très inégal. Les effets seraient presque neutres au Québec et en Ontario, mais en Alberta, la croissance sur 10 ans serait de 46%, plutôt que de 57%. Au lieu d'être colossale, la croissance y serait seulement très forte.

Ce qui est fascinant, ce fut la réaction du ministre de l'Environnement, Jim Prentice, carrément furieux, qui a qualifié l'étude d'«irresponsable». Pas d'accord avec les hypothèses sur le prix du carbone. Pas d'accord avec les mesures proposées. Et surtout, pas d'accord avec les effets négatifs sur la croissance: «Ce n'est pas quelque chose que les Canadiens seraient prêts à accepter.»

On comprend le problème. Pour des raisons politiques et économiques, le gouvernement canadien ne peut adopter des mesures qui dévasteraient l'Alberta. Par contre, s'imaginer que l'on peut réduire les émissions de GES sans affecter la province qui en est, et de loin, le pire producteur, relève de la pensée magique. La solution, c'est de trouver un juste équilibre entre la lutte au réchauffement climatique et la santé économique, en sachant cependant que le retour à un rythme de croissance plus raisonnable serait une bonne chose pour l'Alberta elle-même.

Mais affirmer qu'on ne fera rien qui affecte négativement la croissance, et notamment celle de l'Alberta, c'est une façon de dire que le gouvernement canadien n'a pas l'intention de s'attaquer sérieusement au problème.

On peut se consoler en disant que nos objectifs sont similaires à ceux des États-Unis. Mais il y a une différence de taille. Le président Obama veut sans doute dépasser ses cibles. Le gouvernement Harper, lui, ne les atteindra probablement pas.