On connaît tous les livres-jeux «Où est Charlie?» où il faut découvrir le personnage de Charlie avec sa tuque rayée, dissimulé quelque part dans une planche qui fourmille de détails. La semaine dernière, on aurait certainement pu proposer une version verte de ce jeu. Une belle image de Copenhague, avec des milliers de personnages - politiciens, fonctionnaires, policiers, militants. Le défi: trouver Stephen Harper!

Il n'est cependant pas certain qu'on aurait réussi à trouver le premier ministre canadien. Pendant que les leaders de la planète se démenaient pour aboutir à une entente, notre premier ministre était remarquablement absent. Après avoir hésité à se rendre à Copenhague, il est arrivé sur le tard, n'a pas pris la parole devant ses pairs, ne semble pas avoir joué un rôle significatif dans les négociations.

 

Le seul moment où M. Harper s'est distingué, c'est à la toute fin de la rencontre, quand elle a accouché in extremis d'un texte très vague. La plupart des dirigeants se sont montrés soulagés, mais pas vraiment ravis. Le président Sarkozy a parlé de «la meilleure entente possible». Barack Obama a affirmé que l'entente était «insuffisante», la décrivant comme «une première étape», ajoutant que «la science nous enseigne que beaucoup plus doit être fait».

Mais M. Harper, lui, était parfaitement satisfait, et trouvait l'accord excellent. «Nous sommes là où nous désirons être. Nous avons un accord qui atteint nos objectifs et respecte nos intérêts.» Cette satisfaction, très révélatrice, fait plus que tout le reste pour montrer que le Canada est dans un monde à part.

La rencontre de Copenhague s'est en effet soldée par un demi-échec. Les pays se sont entendus sur une déclaration d'intention très générale de limiter le réchauffement climatique à deux degrés. On est très loin de l'objectif initial, parce que l'accord ne définit pas de cibles, ne précise pas les moyens, n'impose pas aux pays d'engagements contraignants. Le seul élément positif, c'est que cette entente trop générale permet à ce laborieux processus de se poursuivre.

Non seulement les applaudissements canadiens isolent-ils le Canada, mais ils ont pour effet de faire voler en éclats l'alibi derrière lequel s'est caché le Canada durant cette rencontre. Le gouvernement conservateur a lourdement insisté sur le fait que le Canada avait des cibles de réduction des émissions de GES similaires à celles des États-Unis pour montrer qu'il ne méritait pas son image de mouton noir des changements climatiques.

Mais peut-on vraiment dire: Harper-Obama, même combat? Les cibles sont les mêmes, mais les dynamiques des deux pays sont radicalement différentes. D'un côté, le président américain se bat pour lutter contre le changement climatique - énergies vertes, réglementations des véhicules. Il s'est aussi démené pour que la rencontre de Copenhague nous mène plus loin. De l'autre côté, le Canada ne fait rien pour atteindre ces mêmes cibles, et n'a certainement rien fait pour que les travaux de Copenhague aboutissent.

L'autre grande différence, c'est que la politique énergétique canadienne consiste essentiellement à ne pas en avoir. Le gouvernement conservateur a très clairement choisi de s'ajuster aux États-Unis, comme l'a rappelé M. Harper à Copenhague. «Si les Américains ne font rien, ça limitera considérablement notre pouvoir d'agir. S'ils prennent des mesures, c'est absolument essentiel qu'on agisse avec eux.»

L'idée peut sembler logique, étant donné l'intégration des deux économies. Mais dans les faits, elle ne résiste pas à l'analyse, parce que déjà, les normes ne sont plus uniformes en Amérique du Nord, depuis que plusieurs États et provinces ont adopté des règles plus sévères que celles des gouvernements centraux. Voilà une politique qui ressemble étrangement à un alibi.

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