Demain, le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, livrera son cinquième discours du budget. Ce sera, et de loin, le plus difficile de sa carrière.

On aurait pu croire que le budget de l'an dernier, en plein coeur de la récession, était particulièrement exigeant. Mais en fait, une fois que les conservateurs, menacés d'être renversés, ont finalement accepté de s'attaquer à la récession, leur tâche est devenue assez simple. C'est facile de dépenser des milliards empruntés.

Mais cette année, rien ne sera facile. Entre le chômage, le déficit, la sortie de crise, la préparation du budget sera un casse-tête colossal pour le gouvernement Harper, qui devra résoudre de difficiles questions économiques, mais aussi politiques et idéologiques. Voici cinq difficiles défis qu'il devra relever.

Un défi économique. On connaît déjà l'architecture de ce prochain budget. Le vigoureux plan de lutte à la récession du dernier budget portait sur deux ans, et prévoyait des fonds de 17,2 milliards pour l'année financière qui commence. Le ministre des Finances n'a pas l'intention de remettre cet effort en cause, pour ne pas compromettre une reprise encore fragile. Pour la même raison, il attendra à l'an prochain avant de s'attaquer au déficit. Il a tout à fait raison. Mais il aura beaucoup de mal à faire accepter cette stratégie par sa base conservatrice, qui ne comprend pas pourquoi il faut encore injecter des fonds publics dans l'économie, surtout quand Statistique Canada nous apprend que la croissance est plus forte que prévu.

Un défi budgétaire. Si la réduction proprement dite du déficit ne commencera que l'an prochain, le virage qui permettra au Canada de revenir à l'équilibre budgétaire dans quatre ou cinq ans doit commencer cette année. C'est dès demain qu'il faudra commencer à parler de compression des dépenses. Stephen Harper et ses ministres multiplient déjà les messages pour nous préparer à l'austérité. C'est la chose la plus difficile à faire pour un gouvernement. Il suffit de voir les réactions au refus des conservateurs d'injecter de nouveaux fonds dans le programme «À nous le podium».

Un défi fiscal. M. Flaherty jure qu'il réussira à ramener le déficit à zéro sans augmenter le fardeau fiscal. On peut comprendre pourquoi: la baisse des impôts est l'article premier du credo économique conservateur. Mais la plupart des spécialistes ne croient pas qu'il y parviendra. Parce que le déficit des prochaines années est structurel, qu'il sera aggravé par les pressions démographiques, que des baisses d'impôt trop marquées, notamment la TPS, ont compromis les équilibres budgétaires, que le gouvernement fédéral n'a pas de marge de manoeuvre pour réduire ses dépenses, surtout si, comme l'ont promis les conservateurs, on veut y parvenir sans toucher à la santé, à l'éducation et aux pensions.

Un défi stratégique. La rumeur veut que le budget aborde des questions plus profondes, comme la compétitivité de l'économie canadienne, ses retards de productivité, l'innovation. Ce sont des enjeux d'une grande importance, mais pour lesquels les conservateurs ont manifesté jusqu'ici un remarquable manque de talent et d'intérêt. Réussiront-ils à renverser la vapeur?

Le cinquième défi est politique. C'est sans doute le plus important pour le gouvernement Harper, parce que ce budget sera vraisemblablement celui avec lequel il ira en élections. Or, ce sera un budget sans cadeaux, plein de mesures impopulaires, dont le message économique sera difficile à expliquer. Pour coiffer le tout, la situation économique reste fragile. Le taux de chômage, notamment, reste élevé, ce qui risque d'affecter l'équipe au pouvoir. Comment, dans un tel contexte, le gouvernement conservateur pourra-t-il se servir du budget pour marquer des points? Ce sera le défi des défis.