Cette semaine dans le journal The Guardian, une douzaine d'écrivains connus livraient en 10 points leurs conseils pour écrire de la fiction. Tous les lecteurs adorent ce genre de confidences, particulièrement ceux qui aspirent secrètement à devenir écrivains. Cela donne l'impression d'entrer un peu dans le secret des dieux...

La cofondatrice de l'excellent site Salon.com, Laura Miller, a répondu à l'exercice en donnant ses conseils de lectrice aux écrivains «pour qu'ils écrivent de meilleurs livres». Car au fond, mis à part leurs coups de coeur, on demande peu aux lecteurs éclairés s'ils ont eux-mêmes leur idée sur le sujet. Les écrivains donnent des conseils pour écrire; pourquoi les lecteurs n'y iraient pas de leurs suggestions sur ce qu'ils voudraient lire, basées sur leurs expériences pas toujours heureuses?

Pardonnez, je n'ai pas pu résister à l'envie de faire comme Laura Miller pour le bénéfice des écrivains d'ici. Je vous invite à poursuivre la discussion, avec vos propres conseils, sur cyberpresse.ca/guy. On jase, là!

1. La première page est VRAIMENT importante.

Ce n'est pas une blague, c'est celle qu'on regarde quand on bouquine, tout juste après la couverture et le résumé. La moindre faille dans la première page du texte vous fait retourner sur la tablette.

2. Ne confondez pas votre roman avec une thérapie.

Oui, l'écriture est thérapeutique, c'est connu, mais ne nous prenez pas pour votre thérapeute en déballant tout ce que vous avez sur le coeur pour vous libérer, sans souci d'organisation ou de forme. Lui, il est payé pour; nous, on paye pour votre livre, souvent dans l'espoir d'éviter d'aller chez le psy.

3. Vous n'êtes pas obligé de décrire des paysages.

Il faut camper l'histoire dans un lieu, bien sûr, mais quand vous passez des pages et des pages à décrire des paysages, surtout naturels, comme si vous vouliez faire compétition à Marie Victorin, c'est un peu comme se farcir trop de photos de voyage pendant une soirée chez des amis. Si on veut en apprendre plus sur la faune ou la flore, on changera de rayon à la librairie.

4. L'humour n'est pas une faute de goût en littérature.

Parce que ça fait partie de la vie et que cela révèle parfois plus sûrement le tragique que la gravité - une gravité trop lourde entourant le tragique pouvant mener à nous faire rire... et vous ne voulez pas ça.

5. Chaque phrase compte...

(...) Si vous ne voulez pas qu'on vous lise en diagonale. Même que chaque mot compte. N'utilisez jamais de formules toutes faites - cette nuit noire, ce frisson qui parcourt l'échine, cette sueur glacée qui glisse sur le front, ce soleil de plomb, etc. Laissez ça aux journalistes qui n'ont pas le temps de faire du style.

6. N'expliquez pas trop.

On n'est pas si stupide, et on aime bien se promener dans votre roman sans que vous nous teniez par la main. Faites-nous donc confiance, un peu.

7. Êtes-vous vraiment certain de vouloir consacrer un roman à votre ex?

Les histoires d'amour finissent mal en général, chantaient les Rita Mitsouko. On connaît la chanson. Nous aussi on a noirci des pages de journal intime là-dessus, mais on est passé à autre chose. Et on est plutôt soulagé de ne pas en avoir fait un livre, finalement.

8. L'expérimentation littéraire, c'est génial...

(...) Mais attendez d'arriver à un résultat intéressant avant de publier. Rien ne presse, nous sommes prêts à vous attendre.

9. Si on ne vous lit pas...

C'est que vous êtes soit un génie incompris, soit qu'on n'a tout simplement pas accroché. Rappelez-vous que les génies incompris sont très très très rares. Un ou deux par siècle, il paraît. Rien ne presse, nous sommes prêts à vous attendre.

10. N'écoutez pas ce qu'on vous dit.

Si vous suivez trop les conseils de vos lecteurs, de vos amis ou de votre mère, ce sera un roman de commande, et c'est toujours plate à lire, sans aucune surprise. De plus, ils penseront tous qu'ils auraient pu faire la même chose, mais en mieux.